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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/247

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Saint-Laurent s’embarquent souvent dans leurs canots d’écorce, et passent à la terre de Labrador pour chercher les Esquimaux, et leur faire la guerre : ils font en pleine mer trente et quarante lieues sans boussole, et vont aborder exactement à l’endroit où ils se sont proposé de prendre terre. Dans les jours les plus obscurs, ils suivent le soleil sans se tromper : on ajoute même que les enfans qui ne sont jamais sortis de leur habitation marchent avec autant de certitude que les voyageurs.

Ils ont de l’imagination, et tous leurs discours s’en ressentent ; ils ont la repartie prompte et même ingénieuse, et l’on en cite un exemple. Un Otouais, mauvais chrétien et grand ivrogne, à qui l’on demanda de quoi il croyait que fût composée l’eau-de-vie dont il était si friand, répondit que ce devait être « un extrait de langues et de cœurs ; car, ajouta-t-il, quand j’en ai bu, je ne crains rien et je parle à merveille. » Leurs harangues sont remplies de traits heureux. On attribue à leur éloquence cette force, ce naturel, ce pathétique que l’art ne donne point, et que les Grecs admiraient quelquefois dans les barbares : quoiqu’elle ne soit pas soutenue par l’action, qu’ils ne gesticulent point, et qu’ils n’élèvent point la voix, on sent qu’ils sont pénétrés de ce qu’ils disent : ils persuadent.

On aurait peine à se figurer combien de sujets ils traitent dans leurs conseil, avec quel ordre et dans quel détail. Quelquefois ils se