Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/290

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avec les morts tout ce qui servait à satisfaire leurs besoins ou leurs goûts. Ils sont même persuadés que l’âme demeure long-temps près du corps après leur séparation, et qu’ensuite elle passe dans un pays qu’ils ne connaissent point, où, suivant quelques-uns, elle est transformée en tourterelle : d’autres donnent à tous les hommes deux âmes ; l’une telle qu’on vient de le dire ; l’autre qui ne quitte jamais les corps, et qui ne sort de l’un que pour passer dans un autre. Cette raison leur fait enterrer les enfans sur le bord des grands chemins, afin qu’en passant les femmes puissent recueillir ces secondes âmes, qui, n’ayant pas joui long-temps de la vie, sont plus empressées d’en recommencer une nouvelle. Il faut aussi les nourrir, et c’est dans cette vue qu’on porte diverses sortes d’alimens sur les tombes ; mais ce bon office dure peu, et l’on suppose qu’avec le temps les âmes s’accoutument à jeûner. La peine qu’on a quelquefois à faire subsister les vivans fait oublier le soin de nourrir les morts. L’usage est aussi d’enterrer avec eux tout ce qu’ils possédaient, et l’on y joint même des présens ; aussi le scandale est-il extrême dans toutes ces nations lorsqu’elles voient les Européens ouvrir les tombes pour en tirer les robes de castor qu’elles y ont enfermées. Les sépultures sont des lieux si respectés, que leur profanation passe pour l’injure la plus atroce qu’on puisse faire aux sauvages d’une bourgade.