Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils fussent bien éveillés. Il y en eut un néanmoins qui, n’ayant été blessé que d’un coup de balle à la cuisse, feignit d’être mort. Les Américains le voyant étendu et sans mouvement, se contentèrent de lui ôter sa chemise comme à tous les autres ; et, dans la frayeur qui accompagne toujours le crime, ils se hâtèrent de piller la cabane pour fuir aussitôt. Le malheureux Français retrouva la force de lever la tête lorsqu’il ne les entendit plus, et vit ses compagnons morts autour de lui. Il se traîna jusqu’au bois, où, reconnaissant qu’il n’avait reçu le coup que dans les chairs, il arrêta son sang avec quelques feuilles d’arbres ; et dans cet état il prit le chemin du fort au travers des ronces. Il était neuf heures du soir, lorsque je le vis arriver nu, sanglant, et tel qu’il devait être après avoir fait dix lieues sans aucun secours. Qu’on juge de ma surprise et de ma douleur, surtout lorsqu’il m’eut annonce la mort de mon lieutenant et de tous ses compagnons. Cependant je pensai d’abord à me tenir sur mes gardes, dans la crainte que leurs meurtriers ne fissent quelques tentatives sur le fort. L’artillerie fut mise en état. Comme il ne restait que neuf hommes autour de moi, il me parut impossible de garder deux postes, et je rappelai aussitôt la petite garnison de Phelipeaux, autre forteresse française, pour faire garde nuit et jour, sans oser sortir du fort. L’événement fit sentir la nécessité de cette précaution. Ces barbares, après nous avoir observés