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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 2.djvu/256

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à l’esclavage et à la misère, pourrait plutôt s’appeler politique et esprit de corps. Ce n’est pas là la charité de l’Évangile ; ce n’est pas celle de nos curés, qui n’emploient les aumônes, qui sont les revenus de l’Église, qu’à les répandre dans le sein des pauvres.

Entre plusieurs bonnes qualités des marabouts, Jobson loue beaucoup leur tempérance. À cette seule marque, dit-il, on les distingue aisément des autres Nègres. Ils se réduisent à l’eau pure, sans excepter les cas de maladie et de nécessité. Dans les voyages que l’auteur fit sur la Gambie, un marabout qu’il avait pris avec lui, ayant voulu prêter la main aux gens de l’équipage pour traverser une basse, fut entraîné par un courant qui mit sa vie dans un grand danger. Il disparut deux fois dans l’eau, et les Anglais ne l’ayant remis à bord qu’avec beaucoup de peine, il y demeura quelque temps sans connaissance. Dans cet état, ceux qui le secouraient ayant porté à sa bouche un flacon d’eau-de-vie, il ferma constamment les lèvres à la seule odeur de cette liqueur ; et, lorsqu’il eut rappelé ses sens, il demanda, avec un mélange de colère et d’inquiétude, s’il avait eu le malheur d’en avaler : on lui répondit qu’il s’y était opposé avec trop d’obstination. « J’aimerais mieux être mort, dit-il, à Jobson, que d’en avoir avalé la moindre goutte. »

Cet excès de scrupule s’étend jusqu’à leurs enfans. Non-seulement ils ne leur permettent pas de toucher au vin ni aux liqueurs fortes,