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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 2.djvu/58

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se faire justice de ses propres mains ; mais, comme elle était d’une famille distinguée, il avait pris le parti de porter ses plaintes au roi, qui, l’ayant jugée coupable, l’avait condamnée à l’esclavage, et l’avait donnée à Brue. Les parens de cette malheureuse femme vinrent solliciter les Français en sa faveur, et supplièrent le général d’accepter en échange une esclave beaucoup plus jeune, dont il aurait par conséquent plus de profit à tirer. Il y consentit, et l’autre fut conduite aussitôt par sa famille hors des états du damel. Cette rigueur dans la punition rend les femmes des grands assez chastes. Comme le droit de les vendre appartient au roi, après leur correction, elles sont sûres de ne jamais trouver en lui qu’un juge inexorable, qui accorde toujours une prompte justice aux maris dont il reçoit les plaintes.

Le port de Rufisque ne recevant guère que des barques et des chaloupes, le damel, qui souhaitait beaucoup de voir un vaisseau, pria le général d’en faire venir un près de cette ville. Brue lui répondit qu’il était fâché de ne le pouvoir, parce qu’il n’y avait point assez d’eau pour un bâtiment tel qu’il le désirait ; mais qu’il en ferait venir un de dix pièces de canon, qui servirait à lui donner quelque idée de ceux qui en portent jusqu’à cent pièces. Il fit amener effectivement une corvette appareillée dans toute sa pompe, avec les pavillons déployés. Le damel et tous ses courtisans