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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/243

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ces heureux pays devaient éclore dans le cerveau des beaux génies l’allégorie de l’âge d’or et le système du régime pythagorique. Mais le siècle de fer et l’usage du sang sont naturels au Groënland, et la guerre y est née avec l’homme, que la terre y force de vivre de carnage ou de mourir de faim. On a déjà vu qu’elle n’y donne rien dans l’été que l’hiver ne reprenne à l’instant, c’est-à-dire, quelques herbes qui servent plutôt de remède que d’aliment, à peine écloses au soleil, et bientôt couvertes par la glace. Les Groënlandais se trouvent donc obligés de courir après les rennes ; mais cette espèce, rare en des pays d’un froid trop excessif, est consommée à la chasse même, et l’on n’en peut faire de provision. D’ailleurs les Groënlandais ne mangent guère de chair tout-à-fait crue ou sanglante, comme on le croit, et comme le font réellement bien des peuples chasseurs. Il est vrai que, dès qu’ils ont tué quelque animal, ils dévorent sur-le-champ un morceau de sa chair ou de sa graisse, et qu’ils boivent de son sang tout chaud ; mais peut-être est-ce un effet de la superstition, et non pas de la faim et de la voracité : car s’il n’y a point quelque mystère dans cette coutume, pourquoi verrait-on une femme, quand elle dépouille un phoque, en donner un ou deux morceaux de graisse à toutes les personnes de son sexe qui se trouvent autour d’elle, et point aux hommes, qui rougiraient même d’en recevoir ?

Au défaut des plantes et des végétaux, et