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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/113

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la mère, qui étouffe la voix et l’instinct de la nature ; mais la coutume, on le sait, éteint tous les sentimens et tous les remords. Dès qu’on m’eut assuré que les arréoïs pratiquent cet usage cruel, je reprochai à notre ami Oedidi de se vanter d’être d’un si détestable corps ; j’employai tous les argumens possibles ; je le convainquis enfin : il me promit de ne pas tuer ses enfans, et de quitter la société dès qu’il obtiendrait le titre glorieux de père. Il nous protesta que les arréoïs ont très-rarement des enfans. Comme ils choisissent vraisemblablement leurs femmes et leurs maîtresses parmi les prostituées, et comme d’ailleurs ils portent la volupté à un point extrême, ils n’ont pas beaucoup à craindre d’engendrer. Les réponses d’O-maï, que j’ai consulté sur ce sujet après mon retour en Angleterre, m’ont fait encore plus de plaisir, car elles diminuent la noirceur de ce crime, et lavent le gros de la nation du reproche qu’on pourrait lui faire d’y prendre part ; il m’a confirmé que les lois immuables des arréoïs ordonnent de mettre à mort les enfans ; que la prééminence et les avantages d’un arréoï sont si précieux, qu’il leur sacrifie la pitié ; que la mère ne consent jamais à cet horrible assassinat, mais que son mari et les autres membres la persuadent de se dessaisir de l’enfant, et que, lorsque les prières ne suffisent pas, on emploie la force ; il ajoutait en outre que ce meurtre se commet toujours en secret, de manière que personne du peuple, ni même des teouteous et