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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/145

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qualité. Toi et vous s’expriment de sept ou huit manières différentes, qui sont proportionnées aussi à l’état, à l’âge, au caractère de ceux à qui l’on parle et qu’on veut honorer. Ces affectations de politesse ne sont pas moins familières aux laboureurs et aux manœuvres qu’aux courtisans. Ils donnent au roi des titres qui l’égalent à leurs dieux ; et lorsqu’ils lui parlent d’eux-mêmes, c’est avec un excès d’humiliation. Ils éloignent jusque l’idée de leurs personnes, en y substituant les êtres les plus vils. Ainsi, au lieu de dire, j’ai fait, ils disent, le membre d’un chien a fait telle chose. S’il est question de leurs enfans, ils les transforment de même ; et quand le prince leur demande combien ils en ont, ils répondent qu’ils ont tel nombre de chiens et de chiennes. Faut-il qu’en parcourant la terre on trouve si souvent cette incroyable dégradation de la nature humaine !

Avec un respect si extraordinaire pour leur souverain, on ne sera pas surpris qu’ils n’aient pas d’autres lois que sa volonté. Cependant ils ont un certain nombre de vieilles coutumes qui se conservent par la force de l’habitude. Leurs terres passent des pères aux enfans, à titre d’héritage, et le partage dépend du père ; mais si l’aîné demeure seul possesseur, il est obligé d’entretenir sa mère, ses frères et ses sœurs, jusqu’à ce qu’ils soient autrement pourvus.

Les règles fixées par l’habitude ne sont pas moins constantes pour la distinction des biens, pour le paiement des dettes, pour les mariages