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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/248

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inutilement le sang, et qu’il en deviendrait lui-même responsable au gouverneur, qui, ne manquant d’espions nulle part, serait bientôt informé de cette scène. Le radja, cédant à ses remontrances, fit enfin terminer le combat ; et Montanus en eut d’autant plus de joie, qu’il craignait sérieusement que les Alfouriens, las de se massacrer les uns les autres dans l’idée de l’amuser, ne se donnassent, à leur tour, le divertissement de le tailler en pièces lui et toutes les personnes de sa suite.

Avant que ces peuples connussent le girofle, dont ils tirent aujourd’hui leur subsistance, ils ne vivaient que de leurs pirateries, mangeaient les corps de leurs ennemis, et marchaient nus, à la réserve d’une ceinture. C’est des Portugais qu’ils ont appris à se vêtir, et des Hollandais qu’ils ont reçu les lumières de l’Évangile ; mais la profession qu’ils font d’être chrétiens n’empêche pas qu’ils ne reviennent encore quelquefois à leur ancienne barbarie. On en rapporte des exemples qui font voir que la chair humaine a toujours de grands appas pour eux, lorsqu’ils trouvent l’occasion de s’en rassasier sans témoins. Le roi de Titavay, vieillard de soixante ans, avoua, en 1687, que dans sa jeunesse il avait mangé plusieurs têtes de ses ennemis, après les avoir fait rôtir sur des charbons, ajoutant que, de toutes les viandes, il n’y en avait pas de si délicate, et que les plus friands morceaux étaient les joues et les mains. En 1702, un vieux messager du conseil