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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/369

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Ils n’entendent ces récits qu’avec des marques de pitié. Leur nation est distinguée en trois états : la noblesse, le peuple, et ceux qui forment comme l’état moyen. La noblesse est d’une fierté que leur historien traite d’incroyable ; elle tient le peuple dans un abaissement qu’il est impossible, dit-il, de s’imaginer en Europe. C’est la dernière et la plus criminelle infamie, pour les nobles, de s’allier aux filles du peuple. Une famille qui le souffre est perdue de réputation. Avant qu’ils eussent embrassé le christianisme, s’il arrivait qu’un noble se dégradât par une alliance si révoltante, tous ses parens s’assemblaient, et de concert ils lavaient cette tache dans le sang du coupable. Enfin ce fol entêtement va si loin, que c’est un crime pour les personnes du peuple d’approcher de la maison des nobles ; et s’ils désirent quelque chose les uns des autres, il faut qu’ils se le demandent de loin.

Ces nobles sont distingués par le titre de chamorris. Ils ont des fiefs héréditaires dans leurs familles. Ce ne sont pas les enfans qui succèdent aux pères, mais les frères et neveux du mort, dont ils prennent le nom ou celui du chef de la famille. Cet usage est si bien établi, qu’il ne cause jamais aucun trouble. La noblesse la plus estimée est celle d’Adgadna, capitale de l’île de Guahan. Une situation avantageuse et l’excellence des eaux ont attiré dans cette ville, plus de cinquante familles nobles, qui jouissent d’une grande considération