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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/90

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avec l’auteur sur tous les obstacles qui retinrent deux mois la caraque à la vue du cap de Bonne-Espérance, et qui la rendirent le jouet pitoyable des vents et des flots. Elle était si ouverte, que, dans un si long espace de temps, les deux pompes ne furent abandonnées ni nuit ni jour. Quoique tout le monde y travaillât, jusqu’au capitaine, on ne pouvait suffire à vider l’eau qui entrait de toutes parts. La grande vergue se rompit deux fois dans le milieu, et les voiles furent mises plusieurs fois en pièces. Trois matelots et deux esclaves furent emportés au loin dans la mer. Le péril devint si pressant, qu’on résolut de soulager le vaisseau en jetant toutes les marchandises ; mais cette fatale nécessité fut l’occasion d’un autre désordre. Comme il fallait commencer par les coffres et les ballots qui s’offraient les premiers, il s’éleva une si furieuse querelle, qu’on en vint aux coups d’épée. Le capitaine, quoique appelé par d’autres soins, fut contraint d’employer tous ses efforts pour arrêter les plus furieux, et de leur faire mettre les fers aux pieds. Ce qui augmentait la douleur et les regrets, c’est qu’en arrivant à la vue du Cap, on n’aurait eu besoin du même vent que six heures de plus pour le doubler.

Dans cette extrémité qui paraissait sans remède, le capitaine ayant tenu conseil avec les gentilshommes et les marchands, tout le monde penchait à retourner aux Indes ; d’autant plus qu’il était défendu par le roi d’Espagne de