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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/100

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curiosité, ils continuèrent de nous faire un grand nombre de questions qui lassèrent notre patience. La faim nous pressait si vivement, que, malgré la commodité du lieu où nous avions passé la nuit, il nous avait été impossible de fermer les yeux. Nous leur représentâmes que c’était le plus pressant de nos besoins, et que depuis six jours nous avions manqué de nourriture. « Il est juste, nous dirent-ils avec autant de douceur que de gravité, de vous accorder un secours que vous demandez avec tant d’instance et de larmes ; mais cette maison étant fort pauvre, c’est un obstacle qui ne nous permet pas de satisfaire pleinement à ce devoir. » Alors ils commencèrent à nous raconter par quels accidens leur hôpital s’était appauvri après avoir été fort riche. Les plus affamés d’entre nous, ne pouvant résister à leur indignation, nous proposèrent en portugais de ne pas souffrir plus long-temps qu’on se fît un jeu de notre misère, et d’employer l’avantage que nous avions par la supériorité du nombre. Christophe Borralho, dont j’ai déjà loué la modération naturelle, nous fit comprendre les suites de cette violence ; mais interrompant les Chinois, il les conjura d’abandonner un instant tout autre soin pour soulager la faim qui nous dévorait. Une prière si vive ne parut pas les offenser. Au contraire, ils se jetèrent dans des excuses qui traînèrent encore en longueur, et qui aboutirent à nous prier de sortir avec eux