Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malaïennes, l’une de Lugor, et l’autre de Patane, disposées toutes deux à nous prendre à bord ; mais nous étions Portugais, c’est-à-dire d’une nation dont le vice est d’abonder dans son sens, et d’être obstinée dans ses opinions. Nos avis furent si partagés lorsqu’il était si nécessaire pour nous d’être unis, que dans la chaleur de cette contrariété nous faillîmes nous entre-tuer. Le détail de notre querelle serait honteux. J’ajouterai seulement que le nécoda d’Uzanguay, frappé de cet excès de barbarie, nous quitta fort indigné, sans vouloir se charger de nos messages ni de nos lettres, et protestant qu’il aimait beaucoup mieux que le roi lui fit trancher la tête que d’offenser le ciel par le moindre commerce avec nous. Notre mauvaise intelligence dura neuf jours, pendant lesquels les deux jonques, aussi effrayées que le nécoda, partirent après avoir rétracté leurs offres.

» Notre sort fut de demeurer dans un lieu désert, où le sentiment d’une misère présente et la vue d’une infinité de dangers eurent enfin le pouvoir de nous faire ouvrir les yeux sur notre folie. Dix-sept jours que nous avions déjà passés sans secours commençaient à nous faire regarder cette île comme notre tombeau, lorsque la faveur du ciel y fit aborder un corsaire nommé Samipocheca, qui cherchait une retraite après avoir été vaincu par une flotte chinoise. D’un grand nombre de vaisseaux, il ne lui en restait que deux, avec lesquels il s’était échap-