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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/15

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pour y être vendus. Là, tout le peuple s’étant assemblé, ma jeunesse apparemment m’attira l’honneur d’être le premier qu’on mit en vente. Tandis qu’il se présentait des marchands, un cacis de l’ordre supérieur, qui passait pour un saint, parce qu’il était nouvellement arrivé de la Mecque, demanda que nous lui fussions donnés par aumône, et fit valoir en sa faveur l’intérêt même de la ville, à laquelle il promettait la protection du prophète. Les gens de guerre, au profit desquels nous devions être vendus, s’opposèrent si brusquement à cette prétention, que, le peuple prenant parti pour le cacis, il s’éleva un affreux désordre, qui ne finit que par le massacre du cacis même, et par la mort d’environ six cents hommes. Nous ne trouvâmes point d’autre expédient, pour sauver notre vie dans ce tumulte, que de retourner volontairement à notre cachot, où nous regardâmes comme une grande faveur d’être reçus du geôlier.

» Dragut ayant moins réussi par l’autorité que par la douceur à calmer la sédition, nous fûmes reconduits sur la même place, et vendus avec notre artillerie et le reste du butin. Le malheur de mon sort me fit tomber entre les mains d’un renégat grec, dont je détesterai toujours le souvenir. Pendant trois mois que je fus son esclave, il me traita si cruellement, qu’étant réduit au désespoir, je pris plusieurs fois la résolution de m’empoisonner. Je n’eus l’obligation de ma délivrance qu’au soupçon