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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/151

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mait Gaspard Mello, voyant la proue entr’ouverte, et plus de neuf pieds d’eau dans la jonque, résolut, de concert avec les officiers, de couper les deux mâts ; mais tous les soins qui forent employés à cette opération n’empêchèrent point que le grand mât, dans sa chute, n’écrasât cinq Portugais ; spectacle pitoyable, et qui acheva de nous ôter les forces. La tempête ne faisant qu’augmenter, nous nous vîmes forcés de nous abandonner aux flots jusqu’à l’arrivée des ténèbres, où toutes les autres parties de notre bâtiment commencèrent à s’ouvrir. Nous passâmes la nuit dans cette horrible situation. Vers le jour, nous touchâmes sur un banc, où du premier choc la jonque fut mise en pièces, avec des circonstances si déplorables, que soixante-deux hommes y perdirent la vie, les uns noyés, les autres écrasés sous la quille.

» Entre tant de malheureux, nous demeurâmes sur le sable au nombre de vingt-quatre, sans y comprendre quelques femmes. Aux premiers rayons du jour, nous reconnûmes la grande île de Lequios. Nous étions blessés presque tous par le froissement des coquilles et des cailloux du banc. Après nous être recommandés à Dieu avec beaucoup de larmes, nous marchâmes dans l’eau jusqu’à l’estomac. Ensuite, traversant quelques endroits à la nage, nous employâmes cinq jours à nous approcher de la terre, sans aucune nourriture que les herbes qui nous étaient apportées par