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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/166

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banes fort basses et couvertes de chaume, où nous trouvâmes soixante-quatre femmes avec leurs enfans, qui se mirent à crier : « Chrétiens ! chrétiens ! Jésus ! Jésus ! sainte Marie ! » Ces témoignages de christianisme me firent prier le nécoda de les épargner. Cependant il me fut impossible de sauver leurs cabanes du pillage. Il ne s’y trouva pas la valeur de plus de cinq ducats ; car l’île était si pauvre, que les plus riches de l’un ou de l’autre sexe n’avaient pas de quoi couvrir leur nudité. Ils ne se nourrissaient que de poissons qu’ils prenaient à la ligne. Cependant ils étaient si vains, que chacun se nommait roi de la pièce de terre qui environnait sa cabane ; et nous comprîmes que tout l’avantage de celui que nous rétablissions sur le trône était d’avoir quelques champs un peu plus étendus. Nous le remîmes en possession de sa femme et de ses enfans, que son ennemi avait réduits à l’esclavage.

» Cette expédition n’ayant coûté qu’un peu de poudre au nécoda, nous rentrâmes dans notre jonque pour faire voile vers Ténasserim, où je me promettais de rencontrer Guerreyra et son escadre. Il y avait déjà cinq jours que nous tenions cette route, lorsque nous découvrîmes un petit bâtiment que nous prîmes d’abord pour une barque de pêcheurs. Il ne s’éloignait pas, et nous profitâmes de l’avantage du vent pour le joindre. Notre dessein était de prendre langue sur les événemens, et de nous assurer de la distance des ports. Mais nous étant ap-