Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» La satisfaction d’avoir sauvé la vie à tant de malheureux me rendit la suite du voyage fort agréable jusqu’à la ville de Pan, où je remis à Thomé Lobo les marchandises dont j’étais chargé. Mais, lorsque je me disposais à continuer mon voyage vers Patane, un accident fort tragique fit perdre au gouverneur de Malacca toutes les richesses qu’il avait entre les mains de Lobo. Coja Géinal, ambassadeur du roi de Bornéo, qui résidait depuis trois ou quatre ans à la cour de Pan, tua le roi, qu’il trouva couché avec sa femme. Le peuple, s’étant soulevé à cette occasion, commit d’affreuses violences, et pilla le comptoir des Portugais, qui perdirent onze hommes dans leur défense. Thomé Lobo n’échappa au massacre qu’avec six coups d’épée, et n’eut pas d’autre ressource que de se retirer dans ma lanchare, sans avoir pu sauver la moindre partie de ses marchandises. Elles montaient à cinquante mille ducats en or et en pierreries seulement. Cette sédition, qui avait coûté la vie à plus de quatre mille personnes dans l’espace d’une seule nuit, se ralluma le lendemain si furieusement, que, pour éviter le danger d’y périr, nons mîmes à la voile pour Patane, où la faveur du vent nous fit arriver en six jours.

» Les Portugais, dont le nombre était assez grand dans cette cour, prirent d’autant plus de part à l’infortune de Lobo, qu’un si terrible exemple de la perfidie des Indiens leur remettait vivement devant les yeux ce qu’ils