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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/225

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semble. » Il fit ce que je lui ordonnais ; sans quoi, brisé, comme j’étais, de mon saut et de ma chute, le dos fracassé, et blessé à deux endroits de la tête, il m’aurait été impossible de le joindre. Ces maux, dont je ne m’étais pas encore aperçu, commencèrent à se faire sentir avec tant de force, qu’il me sembla tout d’un coup que je cessais de vivre et d’entendre. Nous étions tous deux l’un près de l’autre, chacun tenant au bras une pièce de revers de l’éperon ; nous jetions la vue de tous côtés, dans l’espérance de découvrir la chaloupe ou le canot ; à la fin, nous les aperçûmes, mais fort loin de nous. Le soleil était au bas de l’horizon. Je dis au compagnon de mon infortune : « Ami, toute espérance est perdue pour nous : il est tard. Le canot et la chaloupe étant si loin, il n’est pas possible que nous nous soutenions toute la nuit dans cette situation. Élevons nos cœurs à Dieu, et demandons-lui notre salut avec une résignation entière à sa volonté. » Nous nous mîmes en prières, et nous obtînmes grâce ; car à peine achevions-nous de pousser nos vœux au ciel que, levant les yeux, nous vîmes la chaloupe et le canot près de nous. Quelle joie pour des malheureux qui se croyaient près de périr ! Je criai aussitôt : « Sauve, sauve le capitaine ! » Quelques matelots qui m’entendirent se mirent aussi à crier : « Le capitaine vit encore. » Ils s’approchèrent des débris ; mais ils n’osaient avancer davantage, dans la crainte d’être heurtés par les grosses