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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/29

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chrétienne. Lorsqu’elle nous vit en état de retourner à Patane, elle mit le comble à ses bienfaits en nous recommandant au patron d’un navire indien qui nous y conduisit en sept jours, et qui ne nous traita pas avec moins d’humanité.

» Notre retour était attendu avec d’autant plus d’impatience par tous les Portugais de Patane, que la plupart avaient profité d’une si belle occasion pour envoyer quelques marchandises à Légor. Aussi la perte de notre vaisseau fut-elle estimée soixante-dix mille ducats, qui, suivant les espérances communes, devaient produire six ou sept fois la même somme. Antonio de Faria, plus ardent que les autres par son caractère, et parce qu’il avait regardé le succès de notre voyage comme le fondement de sa fortune, tomba dans une consternation inexprimable en apprenant de notre bouche le sort de son vaisseau. Il garda un profond silence pendant plus d’une demi-heure ; ensuite, comme s’il eût employé ce temps à former ses résolutions, il répondit à ceux qui entreprirent de le consoler qu’il n’avait pas la force de retourner à Malacca pour paraître aux yeux de ses créanciers ; et qu’ayant le malheur de se trouver insolvable il lui semblait plus juste de poursuivre ceux qui lui avaient enlevé ses marchandises que de porter de frivoles excuses à d’honnêtes négocians dont il avait trahi la confiance. Là-dessus s’étant levé d’un air furieux, il jura sur l’Évan-