Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnèrent la chasse pendant toute la nuit, et qu’ils joignirent à la pointe du jour. L’ayant attaqué avec beaucoup de courage, ils le forcèrent de se rendre, après avoir tué six Portugais et dix ou douze esclaves. Ce bâtiment, que plusieurs marchands de Lisbonne avaient chargé de sucre et d’esclaves, fit passer entre les mains des corsaires un butin de quarante mille ducats. Ils abandonnèrent le dessein d’aller à Larache ; et ne pensant qu’à faire voile vers la France avec une partie de leurs prisonniers, qu’ils jugèrent propres à les servir dans leur navigation, ils laissèrent les autres pendant la nuit dans une rade nommée Mélides. J’étais de ce dernier nombre, nu comme tous mes compagnons et couvert de plaies, qui nous restaient des coups de fouet que nous avions reçus les jours précédens. Dans ce triste état, nous arrivâmes à Saint-Jacques de Caçon, où nos misères furent soulagées par les habitans. Après y avoir rétabli mes forces, je pris le chemin de Setuval. Ma bonne fortune m’y fit trouver, presqu’en arrivant, l’occasion de m’employer pendant plusieurs années. Mais l’essai que j’avais fait de la mer ne m’avait pas dégoûté de cet élément. Je considérai qu’en Portugal mes plus hautes espérances se réduisaient à me mettre à couvert de la pauvreté. J’entendais parler sans cesse des trésors qui venaient des Indes, et je voyais souvent arriver des vaisseaux chargés d’or ou de précieuses marchandises. Le désir de mener une vie aisée,