Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin permis de satisfaire aux lois de sa religion.

Elle n’avait pas plus de vingt ans. Mandelslo la vit arriver au lieu de son supplice avec tant de constance et de gaieté, qu’il crut qu’on avait troublé sa raison par une dose extraordinaire d’opium, dont l’usage est fort commun dans les Indes. Son cortége formait une longue procession qui était précédée de la musique du pays, c’est-à-dire de hautbois et de timbales ; quantité de filles et de femmes chantaient et dansaient autour de la victime ; elle était parée de ses plus beaux habits ; ses bras, ses doigts et ses jambes étaient chargés de bracelets, de bagues et de carcans ; une troupe d’hommes et d’enfans fermait la marche.

Le bûcher qui l’attendait sur la rive était de bois d’abricotier, mêlé de sandal et de cannelle. Aussitôt qu’elle put l’apercevoir, elle s’arrêta quelques momens pour le regarder d’un œil où Mandelslo crut découvrir du mépris ; et, prenant congé de ses parens et de ses amis, elle distribua parmi eux ses bracelets et ses bagues. Mandelslo se tenait à cheval auprès d’elle avec deux marchands anglais. « Je crois dit-il, que mon air lui fit connaître qu’elle me faisait pitié, et ce fut apparemment par cette raison qu’elle me jeta un des bracelets que j’acceptai heureusement, et que je garde encore en mémoire d’un si triste événement. Lorsqu’elle fut montée sur le bûcher, on y mit le feu ; elle se versa sur la tête un vase