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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/181

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des peines incroyables. Les Portugais s’étaient postés sur la croupe d’une grande montagne, après y avoir fait un grand feu autour duquel ils s’étaient endormis. Chacun de nous demanda d’abord où était l’eau. Un Siamois eut l’humanité de m’en apporter ; car le ruisseau qu’on avait découvert était assez loin du camp, et je n’aurais pas eu la force de m’y traîner. Je m’étendis auprès du feu. Le sommeil me prit dans cette posture, jusqu’au lendemain que le froid me réveilla.

» Je me sentis si affaibli et pressé d’une faim si cruelle, qu’ayant souhaité mille fois la mort, je résolus de l’attendre dans le lieu où j’étais couché. Pourquoi l’aller chercher plus loin avec de nouveaux tourmens ? Mais ce mouvement de désespoir se dissipa bientôt à la vue des Siamois et des Portugais, qui, n’étant pas moins abattus que moi, ne laissaient pas de se mettre en chemin pour travailler à la conservation de leur vie. Je ne pus résister à leur exemple. L’exercice de mes jambes me rendit un peu de chaleur. Je devançai même une fois mes compagnons jusqu’au sommet d’une colline, où je trouvai des herbes extrêmement hautes et fort épaisses. La vitesse de ma marche avait achevé d’épuiser mes forces. Je fus contraint de me coucher sur cette belle verdure, où je m’endormis. À mon réveil je me sentis les jambes et les cuisses si raides, que je désespérai de pouvoir m’en servir. Cette extrémité me fit reprendre la résolution à la-