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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/210

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rappeler son nom ; mais on vantait sa naissance comme une des plus illustres du Portugal. Il avait mené aux Indes son fils unique, âgé d’environ dix ou douze ans, soit qu’il eût voulu l’accoutumer de bonne heure aux fatigues de la mer, ou qu’il n’eût osé confier à personne l’éducation d’un enfant si cher. En effet, ce jeune gentilhomme avait toutes les qualités qui concilient l’estime et l’amitié ; il était bien fait de sa personne, bien élevé, savant pour son âge, d’un respect pour son père, d’une docilité et d’une tendresse qu’on aurait pu proposer pour modèle. Le capitaine, en se sauvant à terre, ne s’était fié qu’à ses propres mains du soin de l’y conduire en sûreté. Pendant le chemin, il le faisait porter par des esclaves ; mais enfin, tous ses nègres étant morts, ou si languissans, qu’ils ne pouvaient se traîner eux-mêmes, ce pauvre enfant devint si faible, qu’un jour après midi, la fatigue l’ayant obligé comme les autres de se reposer sur une colline, il lui fut impossible de se relever ; il demeura couché, les jambes roides et sans les pouvoir plier ; ce spectacle fut un coup de poignard pour son père. Il le fit aider, il l’aida lui-même à marcher ; mais ses jambes n’étant plus capables de mouvement, on ne faisait que le traîner ; et ceux que le père avait priés de lui rendre ce service, sentant eux-mêmes leur vigueur épuisée, déclarèrent qu’ils ne pouvaient le soutenir plus long-temps sans périr avec lui. Le malheureux capitaine voulut