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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/120

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— Pourquoi lui avoir promis ? demandait Aphanasie. J’espérais que vous renonceriez à l’existence agitée des camps et de la mer. Celle que vous aimez, la mère de votre fils Maurice, vous attend. Vous pourriez vivre en paix auprès d’elle.

— Salomée m’accompagnera ; c’est une femme forte, vous le savez, ma fille.

— Mon Dieu ! moi qui n’espère plus rien pour l’avenir, je voulais au moins vous savoir heureux.

— Bonheur et malheur suivent l’homme partout, ou plutôt il les rencontre en quelque lieu qu’il aille… Le bonheur n’est pas plus en France qu’à Madagascar… S’il est auprès de ceux que j’aime, eh bien ! nous l’emporterons avec nous !

— Et moi… pauvre fille expatriée… je resterai seule à pleurer mon père, – ma mère que je ne reverrai jamais… et Richard qui n’est plus !…

Plus on approchait de France, plus la douleur d’Aphanasie semblait augmenter.

Les douces espérances de Béniowski se transformaient en appréhensions. Il en vint à craindre que ses ennemis n’eussent persécuté sa femme et son fils après le départ du vicomte, leur unique protecteur. Ses projets ambitieux étaient oubliés alors, et, pendant de longues heures, il rêvait silencieux, interrogeant d’un regard soucieux l’horizon muet de l’Océan.

Mais un jour, enfin, une voix cria : Terre !…

— France ! France !… dirent en s’embrassant les quatre soldats de Madagascar.

Vent-d’Ouest et Jupiter, Chat-de-Mer et Petrova, les deux Malgaches, les deux Kamchadales regardaient curieusement cette terre de France dont on leur avait conté tant de merveilles.

— Hola, ma belle ! dit Vasili à la femme de Chat-de-Mer, allez faire la toilette de mademoiselle votre maîtresse. Je vais m’occuper de celle du général.