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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/15

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Le vicomte passait sous silence tout ce qui se rattachait à la confédération polonaise.

« Les absents n’ont pas toujours tort ». À l’office, Vasili eut tout le temps de faire l’éloge de son maître avec un enthousiasme communicatif. – Dans la salle à manger, Béniowski était posé en héros de manière à impressionner Salomée, dont la grâce, les grands yeux noirs pleins de douceur, et les traits d’une exquise pureté n’avaient pas laissé que de provoquer l’admiration du vicomte, qui ajouta :

— Tant que Maurice voudra de ma compagnie, j’ai juré de le suivre, fût-ce au Japon ou dans la lune !

— Craignez-vous que son indisposition soit grave ? demanda la jeune fille.

— Je ne crains que son trop prompt rétablissement, Mademoiselle ; car une fois guéri, la Pologne le réclame, et le château des Opales a pour moi des attraits qui me feront regretter de ne pouvoir abuser un peu des accès de fièvre de mon ami.

— Votre désir est bien barbare ! répliqua Salomée en souriant.

Le magnat hongrois porta un toast :

— Je boirai au prompt rétablissement du comte de Béniowski, ne vous en déplaise, M. le vicomte ; mais aussi à son long séjour parmi nous.

— Salomon en personne, répartit Richard, n’eût pas si bien concilié nos vœux, et surtout, M. le magnat, il n’eût pu le faire avec un vin plus généreux que le vôtre.

— Le Chypre a son mérite pourtant, dit le seigneur hongrois.

— Le Tokay vieux et dépouillé n’était pas connu en Jérusalem ; quant au Chypre du roi Salomon, je le déclare piquette de Suresne en comparaison de votre vin cru ! Hippocrate n’eût pas ordonné d’autre tisane au roi Artaxerxès-Longuemain…