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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/95

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péraments qui bravaient les exhalaisons pestilentielles et traversaient l’épidémie comme l’acier traverse les flammes.

Tous maigres, tous vigoureux, tous sans peur, sinon sans reproches, tous ayant guerroyé dans les quatre parties du monde et en dernier lieu au Bengale, où ils prolongèrent la guerre en partisans, bien après la conclusion de la paix ; tous enfin ennemis des Anglais avant d’être sujets du roi de France ; reconnaissant pour capitaine et maître souverain le chevalier Vincent du Capricorne, et disposés à obéir à son ombre, pourvu qu’elle prît la peine de repasser le Styx et de venir commander à Madagascar.

Tels étaient les dignes camarades de Sans-Quartier, de Jambe-d’Argent et des autres audacieux soudards qui avaient fait la campagne du Nord, bataillé sur terre et sur mer, échappé à deux naufrages et à pas mal d’autres misères ; mais ceux qui restèrent au Fort-Dauphin furent sans contredit les plus maltraités par la fortune. Pour premier malheur, ils étaient privés de leur capitaine, – tous leurs échecs avaient été la conséquence de cette séparation.

Maintenant, les munitions commençaient à manquer ; la poudrière et le parc à boulets se vidaient à vue d’œil. Les vivres devenaient rares ; il fallait opérer de hasardeuses sorties pour se procurer à grand’peine quelques fruits sauvages. La capture d’un misérable bœuf à bosse était désormais un triomphe. Et pour comble d’infortunes, la provision de tafia était radicalement épuisée.

— Si le tabac ne poussait comme de la mauvaise herbe en dedans de nos palissades, continuait Franche-Corde avec mélancolie, je ne pourrais même plus fumer une pauvre pipe de consolation. Ah ! mon capitaine ! mon capitaine ! pourquoi nous avoir abandonnés !

Au départ du chevalier Vincent du Capricorne, sa domination