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Page:La Nature, 1873.djvu/208

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LA NATURE.

préfèrent vivre plus libres et rester ignorants ! Le travail et la discipline de la ferme-école les épouvantent.

Cette mauvaise disposition est telle que l’école de bergers du Haut Tingry est devenue déserte : en présence de ce fait, il vient d’être décidé que ce bel établissement serait transporté à Rambouillet, où l’on espère que le recrutement sera plus facile. Souhaitons-le aussi, mais ajoutons qu’il n’est pas aisé de vaincre l’indifférence en pareille matière.

Ernest Menault.


LA VIE DES ANIMAUX
PAR A. E. BREHM[1].

Brehm peut-être considéré comme le Buffon de l’Allemagne ; son histoire des animaux est depuis longtemps célèbre de l’autre côté du Rhin ; elle offre en effet des mérites exceptionnels qui l’ont fait apprécier à sa juste valeur par les naturalistes les plus éminents. On sent que celui qui a retracé la Vie des animaux, a étudié de près la nature vivante ; voyageur infatigable, Brehm a parcouru presque tous les pays du monde, pour voir de près les êtres divers, mammifères, oiseaux, reptiles ou poissons, dont il avait l’ambition de se faire l’historien. Conteur plein de verve, naturaliste de haut mérite, il sait aussi bien décrire une espèce que donner le récit d’une chasse dans les forêts vierges, ou d’une pêche dans les mers polaires. L’œuvre de Brehm était à peine connue en France. La librairie J.-B. Baillière vient d’en publier une magnifique édition française, que nous nous empressons de signaler à nos lecteurs. L’étude des sciences naturelles est malheureusement bien délaissée parmi nous ; que de charmes, que d’attraits que de douces jouissances intellectuelles, n’offrent-elles pas cependant à ceux qui en aiment la culture ?

L’œuvre de Brehm, quelle que soit la nationalité de l’auteur, est de celles que l’on doit partout accueillir et apprécier.

Nous en extrayons le chapitre suivant, pris à peu près au hasard, dans les innombrables documents que l’auteur publie sur les mammifères et les oiseaux :

les cacatoës.

Les cacatoës, proprement dits, sont caractérisés par leur plumage blanc, mêlé de rouge pâle chez quelques espèces, et par leur huppe formée de plumes longues et étroites, disposées sur deux rangs, huppe qu’ils peuvent abaisser ou redresser à volonté.

Les cacatoës sont propres aux Indes et aux terres australes.

En liberté, ils forment des bandes excessivement nombreuses, qui, au temps des amours, ne se séparent pas complètement. Ils passent la nuit dans les cimes touffues des arbres les plus élevés. Le matin, ils saluent l’aurore de leurs cris retentissants, puis ils s’élèvent dans les airs et se dirigent vers un champ couvert de ses moissons, ou vers quelque autre endroit qui leur promet une pâture abondante. Leur principale nourriture consiste en fruits, en grains, en céréales ; ils mangent, en outre, des champignons, des petits tubercules, des bulbes, qu’ils savent habilement déterrer à coups de bec ; comme les poules, ils avalent de petits cailloux de quartz, pour broyer leurs aliments. On trouve toujours leur gésier et leur jabot remplis de substances les plus diverses. Ils causent de grands dégâts dans les champs nouvellement ensemencés, et dans les plantations de maïs, lors de la maturité des grains. Toute la journée, sauf aux heures de midi, ils sont en activité et toujours sur leurs gardes. Tout ce qui se passe excite leurs cris ; c’est surtout lorsqu’une bande arrive là où une autre s’est déjà abattue, que s’élève un tapage assourdissant, dont on peut se faire une idée, si on a entendu quelques-uns de ces oiseaux captifs.

Rassasiés, ils retournent à leur place de repos, dans la forêt, et y restent tranquilles à faire leur digestion ; puis ils vont faire un second repas et reviennent le soir à leur demeure, pour s’y livrer au sommeil.

Au moment des amours, les cacatoës s’accouplent et chaque paire se choisit un creux convenable pour y établir son nid. C’est tantôt dans un arbre, tantôt dans les crevasses d’un rocher. Certaines parois rocheuses à pic, au bord des fleuves du sud de l’Australie, sont ainsi visitées chaque année par des milliers de ces oiseaux, comme dans les mers du Nord, les falaises par les pingouins. On a même dit que les cacatoës avaient miné certains de ces rochers, et la vigueur de leur bec est telle que cela ne paraît pas complètement impossible.

La femelle ne pond que deux œufs blancs, un peu pointus, semblables à ceux d’une poule naine. Je ne sais comment les parents élèvent leurs petits.

Les dégâts causés par les cacatoës les font détester par les cultivateurs, qui mettent tout en œuvre pour les détruire. Les voyageurs rapportent que ces poursuites les rendent très-défiants, et qu’alors, comme les autres perroquets et comme les singes, ils déploient, dans leurs maraudes, une ruse extrême ce qui fait qu’on ne peut pas les éloigner facilement des plantations.

Les indigènes ont une manière particulière de chasser les cacatoës. « Il n’y a rien de plus intéressant, dit le capitaine Grey, qu’une chasse aux cacatoës. Les Australiens emploient leur arme, le boumerang, consistant en un morceau de bois dur, en forme de faucille, qu’ils lancent à plus de cent pieds. Cette arme fend l’air, en décrivant des cercles, et, quoiqu’elle s’écarte de la ligne droite, elle atteint presque sûrement son but ; c’est de cette même arme faite alors en bois et en fer, que se servent les naturels du centre de l’Afrique.

« Un indigène se met à la poursuite d’une bande

  1. Quatre volumes grand in-8o richement illustrés. — Paris, J.-B. Baillère et fils. — Notre gravure est extraite de ce bel ouvrage.