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Page:La Nature, 1873.djvu/249

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N° 16. — 20 SEPTEMBRE 1873.
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LA NATURE.

LES BOUÉES DE SAUVETAGE
À LUMIÈRE INEXTINGUIBLE.

On emploie, depuis longtemps, à bord des navires, diverses espèces de bouées, ou flotteurs, pour le sauvetage des hommes tombés accidentellement à la mer. Le règlement des vaisseaux de l’État est formel : dès que le cri : Un homme à la mer ! s’est fait entendre, le factionnaire placé près de la bouée doit trancher, d’un coup de hache, la corde qui retient celle-ci suspendue à l’arrière du bâtiment. La bouée de jour est formée d’un disque en liège assez épais, traversé en son milieu par un tube métallique vertical : dès que l’appareil tombe à l’eau, un mécanisme très-simple fait sortir, à la partie supérieure du tube, un drapeau rouge qui doit servir de guide au naufragé. La nuit, une autre disposition est en usage : au centre du flotteur est fixé un cylindre en cuivre contenant une fusée d’artifice ; lorsqu’on vient à couper la corde qui tient la bouée, cette dernière, pendant sa chute, raidit un autre bout de filin attaché par un petit crochet en S, à la partie supérieure de la fusée, laquelle se trouve, par la secousse même, presque entièrement sortie du tube, puis aussitôt enflammée par son amorce ; le crochet, supportant alors le poids de tout le système, ne tarde pas à céder, abandonnant la bouée qui tombe à la mer. On obtient de la sorte un signal lumineux durant vingt minutes environ.

Nouvelle bouée lumineuse (système Silas).

Il est aisé de comprendre les inconvénients de ce procédé : la flamme de la poudre peut être éteinte par l’effet du vent, de la pluie, ou des vagues ; de plus, par sa nature même, cette flamme, quoique visible à une certaine distance, ne jouit pas de propriétés éclairantes qui permettent de faire distinguer, dans l’obscurité, les objets environnants. Dans le but d’obvier à ces difficultés, inhérentes à l’emploi de la poudre ou de toute autre matière combustible habituellement usitée, MM. Seyferth et Silas ont mis en pratique une idée fort ingénieuse : utiliser la propriété singulière offerte par un composé du phosphore, le phosphure de calcium, de fournir, au contact de l’eau, un gaz qui brûle spontanément à l’air, en donnant une vive lumière que la tempête même ne peut éteindre[1].

Voici en quoi consiste l’appareil imaginé par les inventeurs, avec les modifications apportées à sa forme primitive par le conseil de l’École de pyrotechnie de Toulon : la bouée, en bois ou liège, analogue à celles déjà employées par la marine, porte à

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  1. Le phosphure de calcium est un corps solide, de couleur brune, composé de phosphore et de calcium : on sait que ce dernier, réuni à l’oxygène, constitue la chaux. En présence de l’eau, le phosphure donne lieu à un dégagement d’hydrogène phosphoré qui s’enflamme spontanément à l’air.