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Page:La Nature, 1873.djvu/275

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LA NATURE.

CHRISTOPHE HANSTEEN

Hansteen était un savant physicien de la Norwége, il est mort à Christiania, le 11 avril de cette année ; nous reproduisons d’après notre homonyme d’outre-Manche, Nature, quelques détails sur la vie de cette grande intelligence.

Né le 26 septembre 1784, Hansteen avait atteint l’âge de 88 ans. En sortant de l’école de la cathédrale de Christiania, où il avait reçu son éducation première, il entra à l’Université de Copenhague, en 1802, comme étudiant en droit, mais il abandonna bientôt cette carrière pour celle des mathématiques. En 1806, il commença son œuvre comme professeur de mathématiques à l’école de Fredericksburg, dans l’île de Zélande ; c’est là aussi qu’il se signala par ses premières observations dans ses études du magnétisme terrestre. Il se distingua, tout d’abord, en obtenant le prix qui avait été fondé pour le plus remarquable travail sur le magnétisme par la Société royale des sciences de Copenhague. Quelques années plus tard, en 1814, il obtenait la chaire d’astronomie, à l’université de Christiania, qui avait été créée récemment par Frédéric VI de Norwége.

Son grand ouvrage intitulé : Untersuchungen über den Magnetismus der Erde, fut publié en 1819, aux frais du roi. Ce travail est illustré de nombreuses cartes ; il forme la réunion la plus complète des observations sur les variations de l’aiguille aimantée, il se fait remarquer en outre par ses larges appréciations philosophiques. Dans la suite de ses recherches physiques, Hansteen entreprit son célèbre voyage en Sibérie. Il s’avança jusqu’à Kiatchta et Irkustsk, accompagné par Erman et Due ; les frais de l’expédition étaient libéralement défrayés par le gouvernement norwégien. L’établissement des dix observatoires magnétiques et météorologiques, par l’empereur de Russie, sur la recommandation de Humboldt, fut un des plus beaux résultats de ce voyage.

C’est à Hansteen que nous devons, dans nos connaissances sur le magnétisme, la détermination de la période de 111 ans, comme étant la longueur périodique de la déclinaison magnétique, cycle qui a récemment pris une si remarquable importance en faisant concorder l’astronomie à la météorologie et à d’autres phénomènes terrestres. Bientôt après son retour de Sibérie, le gouvernement vota les fonds nécessaires pour élever un observatoire astronomique et météorologique, qui fut construit sous sa direction. Cet observatoire a rendu de grands services ; la météorologie lui est redevable des plus importants progrès.

La description trigonométrique et topographique de la Norwége, commencée en 1837, fut encore exécutée sous la direction d’Hansteen. En 1856, on célébra l’accomplissement des cinquante ans de services publics du grand physicien, on frappa une médaille commémorative en son honneur. Peu de temps après, il cessa ses cours, et en 1861 il se reposa de ses labeurs en rentrant dans la douce tranquillité de la vie privée.


LES CYCLONES

(Suite. — Voy. p. 247.)

« À 7 h. 1/2, le commandant prit la détermination de sacrifier les mâts supérieurs au mât d’artimon. Trois gabiers se présentent pour en couper les galhaubans. Touchante fraternité ! avant d’affronter la mort ils s’embrassent, puis, la hache à la main, ils s’élancent dans l’obscurité et exécutent l’ordre donné. Un instant après, le mât d’artimon tout entier est emporté, entraînant dans sa chute les embarcations suspendues aux flancs du navire et une partie des bastingages de l’arrière.

« Le bruit du choc des lames contre les murailles, qui se déformaient, s’inclinaient, était épouvantable. Notre masse entière était soulevée par intervalles, puis on sentait le navire, couché sur le flanc, plonger sous l’effort réuni de la mer et des vents. Plus d’une fois le commandant crut que nous avions engagé. Dans les batteries on avait de l’eau jusqu’à mi-jambes ; la mer entrait de tous les côtés. Afin de ne pas épouvanter davantage les passagers, nous disions que l’Amazone avait une coque assez solide pour résister au cyclone ; mais nous ne savions que trop qu’elle était en mauvais état et que notre perte était presque certaine. Personne ne perdait cependant courage ; on avait à cœur de faire son devoir jusqu’au bout. Je dois rendre d’ailleurs cette justice aux passagers : c’est que pendant la tourmente je n’entendis aucun cri de désespoir ou de détresse. Le commandant sur le pont, les officiers disséminés partout pour faire exécuter ses ordres, donnaient l’exemple du sang-froid, et l’équipage montrait un dévouement admirable. Les hommes, passagers, étaient aux pompes ; les femmes s’étaient rassemblées dans les cabines qui n’avaient pas été envahies par la mer et priaient.

« Je me trouvais à quelques mètres du grand mât quand j’entendis dire qu’il avait été emporté comme le mât d’artimon. Je voulus m’assurer de cette chute, dont le fracas avait été assourdi par le bruit de la tourmente, en montant sur le pont. Au haut de l’échelle du grand panneau, je fus assailli par les bourrasques d’une pluie si drue, si serrée, et me fouettant le visage avec une telle force, que j’aurais pu croire à de la grêle si cette pluie n’eût été tiède, presque chaude. Le vent qui la chassait ainsi par rafales, avec cette vitesse terrible, faisait entendre un rugissement continuel. Rien ne saurait exprimer cette rage de destruction. On n’entendait distinctement ni le grondement du tonnerre, ni celui de l’Océan, ni le bruit des débris de mâts s’entre-choquant. Les éclairs sillonnant les nues presque sans intervalles, avec une vivacité extraordinaire, faisaient succéder à la profonde obscurité une lumière éblouis-