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Page:La Nature, 1873.djvu/314

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LA NATURE.

un grand intérêt ; nous allons examiner rapidement ses caractères principaux. On remarque d’abord que cet animal fossile avait la tête relativement petite, avec des apophyses jugales très-développées, la fosse orbitaire peu étendue indiquant un œil petit. Le bout du museau, un peu proéminent en avant, donne lieu de croire à un rudiment de trompe analogue à celle du tapir ou à celle qui est attribuée au Paléothérium, espèce également fossile. Le cou est très-long et compte sept vertèbres ; le thorax, très-ample, comprend 16 paires de côtes ; les cartilages costaux, extrêmement robustes, sont entièrement ossifiés, comme cela s’observe chez tous les édentés. Le sternum est composé de huit vertèbres à facettes articulées, multiples, très-nettes et fortement accusées pour permettre, entre elles et avec les cartilages costaux correspondants, un jeu très-facile et bien remarquable. La région lombaire est formée de trois vertèbres qui s’enchevêtrent entre elles par le dédoublement de leurs apophyses articulaires, comme cela se remarque encore chez la plupart des édentés. Le sacrum, comme chez tous ces animaux, excepté l’Oryctérum, est soudé et synostosé avec les os iliaques. La queue, composée de 18 vertèbres extrêmement fortes, est pourvue d’os en V d’une dimension extraordinaire. L’omoplate, très-étendue, présente cette particularité, non spéciale au Mégathérium, mais qui n’existe que dans quelques genres de ses congénères, d’avoir l’acromion et l’apophyse coracoïde soudés ensemble et formant une vaste arcade. Les clavicules sont très-fortes et amplement articulées avec le sternum et l’omoplate. L’humérus droit a sa face articulaire supérieure dirigée directement dans l’axe de l’os. Son extrémité inférieure est très-élargie transversalement et montre une fosse olécranienne presque nulle. Le cubitus, pourvu d’un olécrane très-robuste, ne descend pas jusqu’au carpe, et, par conséquent, ne s’articule pas avec lui. Le radius forme à son extrémité supérieure une cupule très-prononcée ; en bas il est très-large, avec des gouttières tendineuses et une apophyse styloïde très-accusées.

Le carpe comprend 8 os et les doigts de devant, dont les divers rayons ont un jeu articulaire extrêmement restreint, sont au nombre de quatre. L’externe ou petit doigt est atrophié et converti en moignon. Les trois autres sont terminés par des phalanges onguéales énormes, munies de gaînes très-vastes et profondes et qui devaient porter des ongles extrêmement grands. L’examen d’ensemble du pied de devant du Mégathérium fait voir que cet animal était littéralement pied-bot, qu’il ne prenait appui que sur l’extrémité du petit doigt, et sur le côté externe de la phalange onguéale du doigt voisin, et que, dans cette disposition, les griffes énormes qui armaient ses doigts complets se trouvaient garanties contre l’usure par l’effet de la marche.

Passant à la description des membres postérieurs, nous remarquerons que le bassin présente un évasement extraordinaire, dans sa partie iliaque, et qu’il est extrêmement étendu en largeur et en hauteur. La symphise pubienne, étroite d’avant en arrière est entièrement soudée ; le fémur, extraordinairement massif, est très-court et presque quadrilatère ; la rotule, proportionnellement petite, se place tout à fait sur le côté externe de la trochlée fémorale, qui elle-même est très-peu indiquée. Le tibia et le péroné, entièrement soudés dans leur point de contact ordinaire, ne forment qu’un seul os, très-court et très-volumineux, dans lequel l’existence des deux pièces qui le composent n’est marquée que par un vaste espace interosseux. Le pied de derrière, encore plus dégradé et plus difforme que l’antérieur, montre que le calcanéum, l’os le plus important à considérer dans le pied du Mégathérium, est très-volumineux et prolongé en arrière par une très-longue apophyse qui appuie sur le sol par une large surface. On peut dire, qu’ainsi présenté, le membre postérieur du Mégathérium paraît bien plutôt remplir l’office d’un énorme pilier que celui d’un appareil ambulatoire.

L’examen d’ensemble du Mégathérium montre, par le développement et la saillie de ses apophyses et par l’aspect rugueux et comme réticulé que l’on remarque à la surface de ses os, que cet animal devait jouir d’une très-grande puissance musculaire. Mais il n’est pas moins évident que ce colosse anéanti, porté sur ses membres difformes, disproportionnés, et convertis en arrière en énormes piliers, ne pouvait avoir aucune agilité et que, n’étant nullement apte à faire beaucoup de chemin, il était sans doute destiné à trouver sans beaucoup se déplacer l’énorme quantité d’aliments qu’il absorbait pour son entretien. Une particularité assez singulière que révèle la constitution du squelette de ce gigantesque animal et qui peut d’abord paraître étrange, c’est qu’il devait avoir la commode faculté de s’accroupir sur son train postérieur à peu près comme un kanguroo. La raison de cette hypothèse, qui d’ailleurs ne paraît faire doute pour personne, est déduite chez le Mégathérium de la concentration évidente de la masse du côté du train postérieur, de la gracilité relative des membres antérieurs comparée au développement exagéré des postérieurs, de l’énorme ampleur du bassin, de la longueur de l’apophyse postérieure du calcanéum et de la puissance considérable de la queue, dispositions qui se trouvent plus ou moins réalisées chez les animaux qui peuvent se tenir debout.

La description du système dentaire du Mégathérium, qu’à dessein nous n’avons pas traitée avec le squelette, mérite d’être étudiée avec quelques détails. Les dents du Mégathérium, au nombre de cinq à la mâchoire supérieure et de quatre à la mâchoire inférieure, toutes de la sorte des molaires, présentent entre elles une uniformité de structure toute particulière ; elles sont dépourvues d’émail, presque exactement droites, et en même temps d’une seule venue, c’est-à-dire sans aucune trace de distinction entre la couronne et la racine. Leur surface triturante se compose de collines saillantes transverses, alternant avec des sillons de même forme et de même