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Page:La Nature, 1873.djvu/402

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LA NATURE.

d’en conclure qu’en établissant ses divisions, le célèbre naturaliste français a bien réellement mis la main sur un groupement qui existe dans les procédés créateurs de la nature.

Le Ceratotrochus dont la muraille (nous sommes tentés de le dire, la coquille) est blanche, est coloré en garance foncée. Cette matière colorante tirée du fond de l’abîme a été analysée au spectroscope. On lui a trouvé une propriété optique caractéristique. Son spectre d’absorption se compose de trois bandes distinctes. Qui s’attendait à ce qu’il fût aussi curieux à étudier que celui des nébuleuses !


W. J. MACQUORN RANKINE

S’il est de toute justice que nous rendions un hommage mérité aux savants que la mort enlève à la France, bien fréquemment hélas ! depuis quelque temps, il importe de signaler au moins d’une manière sommaire les travaux des hommes illustres qui succombent à l’étranger. Trop souvent, nous devons le reconnaître, nous avons ignoré jusqu’au nom de théoriciens et de praticiens qui jouissaient dans les pays voisins d’une réputation méritée. Il faut s’efforcer au moins que leur mort ne nous laisse pas indifférents ; il faut que nous sachions aussi pourquoi nous avons à les regretter.

W. J. Macquorn Rankine, que la mort a enlevé à l’Angleterre, était un de ces savants dont le nom était peu connu en France. Ses travaux sur la thermo-dynamique ont contribué grandement à l’établissement de cette partie de la science et suffiraient cependant pour que son nom doive échapper à l’oubli ; il avait d’ailleurs une réputation méritée comme ingénieur, et savait mener de front les recherches de théorie pure et les applications les plus variées de la pratique. Ne fût-ce qu’à cet égard, il serait intéressant de rappeler en quelques mots les travaux de Rankine et de montrer, par son exemple, qu’il n’est nullement impossible d’être à la fois théoricien et praticien.

W. J. Macquorn Rankine[1] naquit à Édimbourg, le 5 juillet 1820. Ses études, dirigées spécialement par son père, furent très-complètes. L’Académie d’Ayr, l’École supérieure (High School) de Glascow, l’Université d’Édimbourg, le comptèrent successivement parmi leurs élèves et il y prit tout d’abord un goût très-vif pour les sciences naturelles.

Avant même d’avoir terminé ses études (1838). M. Rankine avait manifesté la tendance philosophique de son esprit, par un essai sur les Méthodes de recherches en physique ; quelques années plus tard (1842), cette même tendance se retrouvait dans ses travaux sur les Conséquences de l’hypothèse des tourbillons moléculaires, de laquelle il déduisait par le calcul une théorie de l’élasticité, entre autres. La même année, il publiait un travail d’une autre nature : Recherches sur l’emploi des roues cylindriques, etc., dans lesquelles il montrait d’ingénieuses applications de la théorie à la pratique. Ces travaux intéressants à divers égards étaient, en outre, remarquables par la netteté des descriptions et la clarté du style, qualités rares chez un jeune homme (il avait 22 ans) et que l’on trouve à un haut degré dans tous ses ouvrages.

En 1849, les travaux de M. Regnault et du docteur Ure, en fournissant à Macquorn Rankine des données expérimentales qui lui manquaient, lui permirent de reprendre ses travaux sur la chaleur, qu’il avait abandonnés ; il réunit les recherches qu’il avait faites dans un mémoire présenté, en 1830, à la Société royale d’Édimbourg : Action mécanique de la chaleur principalement sur les gaz et les vapeurs. Bien que les idées qu’il émettait dans ce travail ne fussent pas absolument nouvelles, la manière remarquable dont il les traite le fit distinguer spécialement. Ce travail un peu modifié sur les indications et les critiques du professeur Thomson, de Glascow, fut publié en 1851 dans le Philosophical Magazine, sous le titre suivant : Théorie centrifuge de l’élasticité appliqué aux gaz et aux vapeurs.

La thermo-dynamique, dont les premiers principes furent établis par Mayer, Joule et Colding, est redevable de nombreux progrès à Clausius, à W. Thomson, à W. Rankine. Le mémoire de ce dernier Sur une loi générale de la transformation de l’énergie, est des plus importants, et nous regrettons de ne pouvoir nous y arrêter, non plus que sur un mémoire (Outlines of the science of energetics), dans lequel il crée une science nouvelle l’énergétique, basée sur les considérations de l’énergie et de laquelle la mécanique rationnelle ne serait qu’un cas particulier.

Nous sommes obligés de passer sous silence de nombreux travaux de mathématiques pures et de mécanique ; nous voulons cependant citer encore le discours qu’il prononça à l’ouverture des cours de l’Université de Glascow (1856) : Harmonie de la théorie et de la pratique dans la mécanique, et un rapport qu’il présenta, en 1858, à la Philosophical Society de Glascow Sur les progrès de la mécanique appliquée.

On peut se rendre compte par l’énumération que nous venons de faire, bien qu’elle soit incomplète, quel intérêt s’attache aux travaux théoriques de Macquorn Rankine et de quelle importance sont les titres scientifiques que nous venons de résumer.

D’un autre côté, les travaux pratiques de Macquorn Rankine méritent également d’être signalés, bien que peut-être d’une valeur moindre que ses recherches de théorie pure.

M. Rankine prit part, en 1839, à la construction des chemins de fer de Dublin à Drogheda (Irlande), sous la direction de sir John Macmill ; de 1841 à 1851, il s’occupa des chemins de fer d’Écosse ; il fit, vers la même époque, un projet de distribution

  1. Nous empruntons à l’Engineering une partie des renseignements qui suivent.