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Page:La Nature, 1873.djvu/51

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LA NATURE.

et meurent successivement les bourgeons, individus isolés, dont l’ensemble forme l’arbre, véritable polypier végétal.

L. Lhéritier.

LE PHYLLOXÉRA
ET LA NOUVELLE MALADIE DE LA VIGNE.

(Suite. — Voy. pages 4, 18, 57.)

V


Les moyens proposés pour le traitement de la maladie du phylloxéra sont excessivement nombreux ; nous n’examinerons ici que ceux sur lesquels se fonde un espoir sérieux.

I. Moyens préservateurs ou préventifs. — Il est inutile d’insister sur la nécessité de l’arrachage et du brûlis des ceps malades pour prévenir l’augmentation en étendue d’un nouveau centre d’attaque. Cette brutale suppression des individus atteints, analogue à celle qu’il est malheureusement encore aujourd’hui impossible d’éviter pour la rage ou la peste bovine, ne peut être évidemment appliquée avec compensation qu’au début de la maladie ; elle n’enraye sûrement la contagion qu’autant qu’on prend le soin d’extirper jusqu’aux dernières ramifications des racines, et qu’on éloigne les chances de transport et de dissémination de germes de destruction en brûlant les souches sur le lieu même où elles ont été arrachées. La cueillette des galles phylloxériennes doit aussi être immédiatement suivie de l’incinération sur place.

La création de tranchées, destinées à jouer le rôle de cordons sanitaires autour des points infestés, se présente naturellement à l’esprit dès qu’il est prouvé que le phylloxéra aptère, de beaucoup le plus abondant, étend peu à peu ses ravages autour d’un centre, par un envahissement de proche en proche.

M. de Lavergne, membre de la Société d’agriculture de la Gironde, a le premier émis l’idée que la maladie nouvelle céderait à l’inoculation d’un liquide capable de modifier la sève des vignes, de façon à la rendre impropre à la nourriture du phylloxéra, sans toutefois nuire en rien à la végétation. L’essence de térébenthine, l’acide picrique, la fuchsine, la carmine, le sulfate de cuivre étendus sont cités par divers auteurs comme les substances les plus aptes à opérer cette sorte de vaccination. M. Laliman, se basant sur les données de la physiologie végétale, conseille de profiter du courant descendant qui ramène la sève aux racines par les canaux les plus extérieurs pour faire arriver à celles-ci le précieux remède : une simple ligature de laine, insérée dans une légère incision de l’écorce, et imbibée de temps à autre, pourrait, selon cet habile viticulteur, favoriser l’introduction de la substance préservatrice.

Le badigeonnage du pied des ceps, l’emploi d’anneaux agglutinants, le déversement, sur le sol, de poussières nuisibles, sont autant de moyens préventifs rationnels dont nous parlerons plus loin lorsque nous signalerons les moyens de défense fondés sur l’observation des mœurs du phylloxéra.

II. Moyens dérivatifs. — M. Lichtenstein a proposé de placer, entre les rangs de ceps, des sarments formant boutures, dont les jeunes racines, renouvelables pour ainsi dire à volonté, attireraient les parasites par l’abondance de leurs sucs, et pourraient ainsi leur servir de piége. Ces appâts seraient enlevés et incinérés toutes les fois que les pucerons s’y seraient rendus des racines sous-jacentes. Plusieurs propriétaires ont pu ainsi détourner les phylloxéras et obtenir une récolte en dépit de leur présence.

M. Laliman est le premier qui ait insisté sur le parti avantageux que nous pourrions tirer de l’importation des cépages américains, exempts des attaques du phylloxéra, ou même de ceux qui sont simplement attaqués par les feuilles : le parasite des galles produisant des effets incomparablement moins désastreux, et se montrant en outre beaucoup moins difficile à combattre que le parasite des racines. Dans sa propriété de la Tourette, située aux environs de Bordeaux, et où ces cépages privilégiés sont cultivés en grand, les variétés américaines cordifolia, rotundifolia, mustang du Texas, bland-madeira, york, ainsi que le summer-grap ont bravé l’épidémie depuis cinq ou six ans, et ont conservé jusqu’ici belle apparence au milieu de vignes souffrantes ou complétement détruites.

Devant des résultats aussi encourageants, M. Bazille, président de la Société d’agriculture de l’Hérault, n’a pas hésité à donner le conseil de greffer nos variétés européennes sur des sujets des États-Unis. L’opération, tentée par ce savant agronome, en collaboration avec M. Laliman, a pleinement réussi : les pieds obtenus ont échappé jusqu’ici aux atteintes du suceur des racines, bien qu’entourés de vignes phylloxérées, agonisantes ou tuées dès l’année précédente. Des expériences analogues sont actuellement en voie d’exécution sur plusieurs des points les plus maltraités des départements de Vaucluse et de l’Hérault.

Il y a d’ailleurs d’autant plus intérêt à importer et à propager ces vignes américaines que les mêmes variétés qui résistent au phylloxéra jouissent en même temps d’une immunité des plus complètes à l’égard de l’oïdium.

III. Moyens curatifs directs. — 1o Propagation des ennemis naturels du phylloxéra. — Le phylloxéra est heureusement, comme tous les insectes nuisibles, exposé aux attaques d’un certain nombre de ces insectes carnassiers qui sont les meilleurs auxiliaires de l’agriculteur, et qui, par leur chasse acharnée, réussissent à restreindre la multiplication de l’espèce dévastatrice, et souvent même à délivrer à tout jamais la contrée envahie. Les destructeurs du phylloxéra appartiennent aux groupes les plus variés. MM. Signoret et Laliman ont découvert dans les galles des feuilles de la vigne la larve d’une sorte de