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Page:La Nature, 1873.djvu/61

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LA NATURE.

deste bibliothèque s’était accrue d’une collection de bons livres mise à sa disposition par un de ses camarades. C’est pendant la traversée du Falmouth de New-York à Rio-Janeiro que son esprit actif conçut l’idée des cartes de vents et de courants qui depuis ont rendu de si grands services au commerce du monde entier, Pour la première fois il avait en partie la responsabilité du voyage, et il désirait naturellement une rapide traversée. Avant de quitter New-York il recueillit toutes les informations relatives aux vents et aux courants qu’il devait rencontrer, afin de tracer la meilleure route à suivre. Il reconnut bientôt le peu de valeur de ces informations, et il résolut dès lors de s’appliquer aux recherches qui devaient combler plus tard une lacune si préjudiciable à la navigation.

En doublant le cap Horn, pendant le même voyage, il fut frappé des irrégularités barométriques de cette région. Il inséra sur ce sujet dans le Journal américain des arts et des sciences (ann. 1834) un mémoire qui fut sa première publication scientifique. C’est durant la même campagne qu’il prépara, avec les matériaux qu’il amassait depuis plusieurs années, un ouvrage sur la navigation. Après avoir passé du Falmouth sur la goélette Dolphin, où il remplit les fonctions de premier lieutenant, il fut embarqué sur la frégate Potomac, sur laquelle il retourna aux États-Unis en 1834, Ce bâtiment y désarma, et le jeune auteur eut le loisir nécessaire pour publier sa Navigation à Philadelphie. Paraissant sous le nom d’un officier qui n’avait pas encore dépassé le grade d’aspirant, cet ouvrage fut d’abord assez mal accueilli. Mais il obtint en Angleterre un légitime succès et fut plus tard également adopté par la marine des États-Unis.

Pendant le séjour qu’il fit alors à terre, Maury retourna dans son pays natal, où il se maria avec mademoiselle Ann Herndon, sa fiancée depuis plusieurs années.

M. F. Maury, d’après une photographie.

En 1837, il fut promu au grade de lieutenant. Peu de temps après il eut le malheur de se casser la jambe droite dans une chute de voiture, et devint boiteux pour toute sa vie. Pendant longtemps il ne put marcher qu’avec des béquilles. Durant cette pénible épreuve, au moment où sa carrière semblait brisée, il retrouva la force dans sa foi religieuse, et il composa une prière qu’il redisait à ses enfants sur son lit de mort. L’activité physique est si nécessaire dans la vie du marin, que ce triste accident le contraignit à renoncer entièrement au service de mer et au rapide avancement qu’il aurait sans doute obtenu dans ce service. Mais il ne voulut cependant pas cesser de suivre une carrière dans laquelle il espérait être utile à son pays. C’est alors qu’il commença à écrire une série d’articles sur la réforme des institutions navales des États-Unis. Ces articles exposaient avec clarté les abus résultant de l’état de choses alors existant, proposaient des réformes qui ont été depuis en partie adoptées, et qui ont amené d’importants progrès dans la marine nationale, entre autres l’établissement d’une Académie navale.

C’est aussi à la suite d’un projet présenté par Maury que fut créé, d’après ses plans, le chantier de construction de Memphis, dans le Tennessee. Sous sa direction, le lieutenant Marr fit sur ce point une série d’intéressantes observations relatives au Mississipi, origine des recherches semblables qui ont depuis fait connaître tout ce qui se rapporte à la vitesse, à la masse et à la nature des eaux de ce grand fleuve dans les diverses saisons. Maury proposa aussi et fit adopter l’établissement d’échelles indicatrices dans les principales villes qui bordent le Mississipi et ses tributaires, afin que les capitaines de bateaux à vapeur et autres personnes intéressées passent chaque jour être informées par le télégraphe de la hauteur des eaux. Un registre des chiffres notés sur les diverses échelles permettait de déterminer l’effet probable d’une crue du fleuve ou de l’un de ses tributaires dans la région non encore atteinte. En même temps qu’il s’occupait de ces utiles observations, Maury demandait comme œuvre nationale, l’élargissement du canal de l’Illinois et du Michigan, afin qu’un vaisseau de guerre pût au besoin passer du golfe du Mexique dans les grands Lacs, et réciproquement. Ses publications sur ce sujet excitèrent un