Page:La Révolution surréaliste, n03, 1925.djvu/28

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DESCRIPTION D’UNE REVOLTE PROCHAINE il faut des soldats pour vos généraux et des contribuablespour vos finances.

N’est-il pas odieux, en tous cas, ce contrôle exercé sur la façon de vivre et de mourir par ceux mêmesqui sont prêts à exiger le « sacrifice de la vie », « l’impôt du sang » pour une cause que personnellementje réprouve. Le soin de ma mort et cle ma vie n’importe qu’à moi ; la pairie ? je vous demande un peu qu’est-ce que cela signifiemaintenant ?

Cette mêmehaine de l’individu et cleses droits vous a conduit à réglementerla « littératurepornographique ». Bonne occasion pour la vieille pucelle raneie qui représentait la France et les paralytiques qui représentaient les autres pays de se frotter le nombril par la pensée.’Admirable spectacle: une femme de lettres, au seins tombants, discutant, avec quelle science, du crime de ces livres qui lui rappellent que voici longtemps déjà que sa décrépitudeéloigned’elle les amants vigoureux (i).

Sociétédes Nations ! vieille putain ! Tu peux être fière de ton oeuvre.Demain, par les forêts et les plaines des soldats encadrésde gendarmes revolver au poing, s’entretucront de force. Ces mêmessoldats que tu fis naître à coups de lois et de décrets. Demain, l’Amériqueprotestante plus imbécileque jamais, à force de prohibition, se masturbant seulementderrièresescoffres-forts et In statue de la Liberté, aura puissamment secondé l’effort du Conseil des Prud’hommes ’européens.

Alors l’amant lyrique et le sage se diront que le temps de la révolte de l’esprit contrela matière est venu. Le mot d’ordre primitif enfinretrouvé, surexcitera la poignéedes derniers survivants à. l’inquisition utilitaire. Ce que sera cette révolte spontanée, casernes et cathédralesen flammes, ou prise de pouvoir irrésistible dans un monument public : devant une table, à tapis vert, un président de République, légion d’honneur en sautoir, et ses ministres en veston emmenéspar desinsurgéscorrects,peu importe.Cequi importe, c’est le régime auquel aboutira ce renversement, des pouvoirs.

J’ai toujours mépriséces révolutionnairesqui, pour avoir mis un drapeau tricolore à. la place d’un drapeau blanc, s’estimaient satisfaits et vivaient tranquillement, décorés par le nouvel Etat, pensionnéspar le nouveau gouvernement. Non, pour un révolutionnaire,il n’v a qu’un régime possible:

LA REVOLUTION,

c’e:t-à-dire

LATERREUR

C’est l’instauration de celle-ciqui m’intéresse et son avènementseul aujourd’hui me fait encore espérerla disparitiondes canaillesqui encombrent la vie. L’atmosphèreinfernaleactuelleaura raison des plus nobles impulsions. Seule la guillotine peut, par des coupessombres,éclaircircette foule d’adversairesauxquels nous nous heurtons. Ah ! qu’elle se dresse enfin sur une place publique la sympathique machine de la délivrance.Elle sert depuis trop longtempsaux fins de la crapule. Assassins, bandits, forbans, vous fûtes les premiersrévoltés.Le parti immondedes honnêtes gens vous a consacréau dieu de la lâcheté et de l’hypocrisie.Ce que je n’aurai sans doiue jamais le courage d’accomplir,vous l’avez tenté et vos têtes coupées, roulées par quelque invisible océan, s’entrechoquent ténébreusement,quelque part dans un coin de l’âme universelle. Souhait puéril, enfantillagerisible,il me plaît à moi cle l’imaginer, ce « grand soir » tel qu’il sera.

Avec ses caravanes d’officiersenchaînés conduits vers l’estrade.

Avec vêtements noirs décorésde sang caillés, les diplomateset les politiciensdécapitésentassés au pied des réverbères. Et la trogne de Léon Daudet, et la tirelire creuse de CharlesMarinas, pêle-mêle avec le gros mutile de Paul Claudel, celui de cette vieille connaissance,le màraischal de Castclnau,et tous les curés,oui tous les curés! Quel beau tas de soutanes et de surplis, révélant des cuissesdécharnéespar le pou de corps de la luxure hypocrite et les sergentsde ville, éventres au préalable et ces messieurs « en bourgeois » châtrés, et les femmesde lettres depuisla Noailles jusqu’à Jean Cocteau, savamment martyrisées par les bourreaux que nous saurionssi bien être. Ah ! retrouver le langagedu « Père Duchcsne» pour te célébrer, époque,future. Je ne parle pas des réductions à entreprendre dans le matériel des musées et des bibliothèques,mesure accessoire où le plus radical sera le mieux. Maisl’épuration méthodiquede la population: les fondateurs de famille,les créateurs d’oeuvres de bienfaisance(la charité est «ne tare), les curés et les pasteurs(je ne veux pas lesoublier,ceux-là), les militaires, les gens qui rapportent à leur .propriétaire les portefeuillestrouvés dans la rue, les pères corné’iens, les mères de famille nombreuses, les adhérents à la caisse d’épargne (plus méprisablesque les capitalistes),la police en bloc, les hommeset les femmesde lettres, les inventeurs de sérums contre les épidémies,les «bienfaiteursde l’humanité », les pratiquants et les bénéficiairesde la pitié, toute cette tourbe (1) I.a vaguede pudeurchèreaux journalistesn’est pas imaginaire.Kllclui la premièreînanil’c.slalian de

cet étal d’espritvulgairequi a drlourré de son sens le mol: morille,pourn’y plusvoirqu’unedistinction utilitaireentre,un «bien »problématiqueel un «mal » arbitraire.