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Page:La Revue blanche, t10, 1896.djvu/275

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MOUVEMENTS POLITIQUES

L’Ethiopie en armes

L’Éthiopie, que nous appelons Abyssinie, est un Massif central bordé, le long de la mer R :*uge, par des Cévennes, hautes deux fois comme les nôtres, qui tombent à pic sur une plaine côtière large vers le sud à la hauteur de l’établissement français d’Obock, de plus en plus étroite vers le nord. Entre Obock et la frontière égyptienne, cette ba-nde maritime a été occupée en 1885 par les Italiens qui font nommée colonie d’Erythrée. La capitale de cette colonie, qui est le port de Massaoua, se trouve au point où les Cévennes d’Ethiopie sont le plus voisines de la côte. Près des montagnes, à 70 kilomètres de Massaoua, le camp retranché d’Asmara barre les défilés qui conduisent de l’intérieur à la mer. Asmara a été fortifiée à l’européenne par les ingénieurs italiens. Si les possesseurs de l’Erythrée n’étaient pas allés plus ioin, la guerre actuelle n’aurait pas lieu. Ën effet, le négous consent que la chaîne de montagnes orientale serve de frontière entre lui et les Italiens. Même après sa victoire d’Amba-Alaghi, il leur offrit la paix s’ils promettaient de ne pas s’avancer plus ioin que la plaine côtière. Il ne désire pas que son Helvétie africaine s’étende jusqu’à la mer Rouge. L’Ethiopie se compose de plusieurs plateaux qui ont une altitude moyenne de 1,200 à 2,000 mètres avec quelques massifs couverts de neiges éternelles et aussi élevés que le Sainl-Gothard. Ces plateaux sont séparés par de profondes vallées : pour passer de l’un à l’autre, il faut descendre de 1,000 mètres au moins, traverser un fleuve, et remonter d’autant. Le plateau du nord s’appelle le Tigré ; voisin de l’Erythrée, il a été le théâtre des dernières batailles. Le plateau Je plus méridional s’appelle le Choa ; c’est le pays du négous actuel, Ménélick. L’altitude de ces régions leur donne un climat très favorable à l’acclimatation des Européens. Les pentes des Alpes éthiopiennes sont couvertes de pâturages. Sur les plateaux croissent les plantes des bords de la Méditerranée, l’oranger, l’olivier, la vigne, le mais : la plupart des cultures tempérées y viennent très bien. Seules les vallées intérieures et la plaine maritime ont le climat à la fois chaud et humide des pays tropicaux situés sous la même latitude que l’Ethiopie.

On comprend pour quelles raisons M. Crispi et ses partisans ont projeté de conquérir les hautes terres éthiopiennes pour y diriger les émigrants qui, chaque année, abandonnent la péninsule italienne pour la Tunisie, la République argentine et pour, d’autres territoires étrangers. L’ambition du gouvernement de Rome l’a mis en contact, puis en contlit avec les Ethiopiens.

Les peuples qui se donnent le nom d’Éthiopiens et que nous appelons Abyssins d’un mot arabe qui veut dire métis, paraissent être, comme les Egyptien*, les descendants de sémites sortis d’Arabie et mélangés avec des indigènes d’Afrique. Le lien qui les unit est la religion. Convertis au ive siècle par des missionnaires de Constantinople, ils sont restés chrétiens, même après que les musulmans, établis en Egypte, les eureni complètement séparés de l’empire d’Orient. Jusqu’aux derniers temps, ils reconnaissaient la suprématie du patriarche copte d’Alexandrie qui nommait le chef du clergé éthiopien. Mais le négous a envoyé en Russie une ambassade dont le but officiel était de rattacher l’église éthiopienne à l’église russe. Depuis qu’il est en guerre avec l’Italie, il semble chercher à s’acquérir la bienveillance du tsar en le traitant comme le successeur des empereurs byzantins, à la fois césars et papes. Le négous actuel n’a pas soumis sans peine toute l’Éthiopie à sa domination. Lest d’ailleurs la coutume que le souverain soit mal obéi. Les Ethiopiens sont divisés par la nature de leur pays. Chaque plateau forme une nation sons la domination d’un ras, analogue aux ducs ou aux com-