Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/373

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écharpe, était avec nous. À la concierge : « Nous amenons un ami de M. Pain. » Elle monte prévenir, puis revient, disant : « M. Pain n’a déjà pas pu recevoir son fils, blessé.. — Eh bien ! s’il ne peut pas recevoir notre ami de gré, il le recevra de force. »

À quoi elle réplique : « Ne vous fâchez pas, nous allons arranger ça. » Et elle nous conduit au premier étage dans un grand appartement vide. Voilà Vermorel étendu sur un matelas. Cette même nuit, on décidait pour le matin l’abandon de la mairie du xie et la retraite sur Belleville. Je vais annoncer à Vermorel que j’étais obligé de le quitter. Mais la concierge voulut qu’on le transportât dans l’appartement qui était en face, sur le même palier. Là, je lui faisais un dernier pansement. Brusquement la concierge entre, criant : « Les Versaillais sont dans la maison ! » J’étais encore en uniforme. Elle m’arrache mes vêtements, me jette ceux de son mari, grimpe au grenier cacher mes hardes et redescend, hélée par les Versaillais. La perquisition commence. Les voila au 1er étage. La porte d’en face s’ouvre. Nous entendons un coup de fusil. On tuait un fédéré blessé qui avait été transporté là, une fois Vermorel sorti. Sans s’arrêter à l’autre porte, ils montent. Du grenier un soldat crie : « Un sabre de général ! Il s’est sauvé le brigand, mais nous saurons bien le retrouver. » Ils redescendent. J’avais dit à mon ami : « Fais le mort ou tout au moins le mourant. » Coup de sonnette. J’ouvre et me trouve devant le capitaine, des soldats et la concierge. « Qui êtes-vous ? » Je regarde la concierge. « Je suis le beau-frère de Madame. » Elle comprend, se jette aux pieds du capitaine : « Oui, c’est mon beau-frère, je vous en prie, ne lui faites pas de mal. — C’est bon ! Vous avez des armes ? — Non. » Ils entrent. Je les conduis partout, excepté dans la chambre de Vermorel. Le capitaine me dit : « Qu’est-ce que vous faisiez dans une maison pareille ? — J’étais absent de Paris pendant la guerre et la Commune. Inquiet de ma belle-sœur, je suis venu prendre de ses nouvelles. — Mais on ne peut pas entrer dans Paris. — Il faut croire que si, puisque je suis là. — C’est bien. Restez ici. » Et entre ses dents ; « C’est égal, il a une figure qui n’est pas catégorique. » Il sort, mais pour entrer directement dans la chambre de Vermorel. J’entends celui-ci geindre : « On ne me laissera donc pas mourir tranquille ! » et un sergent de dire : « Tranquillisez-vous, on ne vous fera pas de mal. » Heureusement ils n’avaient pas, comme c’était l’habitude, défait le lit et vérifié si le malade n’avait pas de blessure. Désormais je ne pouvais plus sortir. Les alertes devaient continuer. Bientôt la concierge survenait : « Voilà du nouveau, tout est perdu ! nous allons avoir une perquisition du commissaire. — Eh bien, allez vite trouver le capitaine — la concierge était une personne accorte et délurée et j’imaginais que, fût-ce par politique, elle devait être déjà au mieux avec le militaire — et dites-lui : « Mon capitaine, qu’est-ce que j’apprends ! On va nous envoyer la police ! C’est une indignité quand vous êtes là, de nous envoyer la police ! Vous ne permettrez pas ça, » Stratagème qui réussit.