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Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/473

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dont vous avez goûté une parcelle sont de puissants aphrodisiaques qui paroxysent le désir de leur instinct. Tout à l’heure ils bondiront sur place, éperonnés par le délire de la chair qu’excitent encore les musiques et les danses. Et cependant nul n’ouvrira les grilles d’argent entre lesquelles ils passent leurs cuisses et leurs bras, et leurs bouches souffrantes. — Et pourquoi ce supplice ? — Ah ! Ah ! Comprendrez-vous ?… Voici la raison. Ces deux cents barbares dans la force de la jeunesse, ainsi saturés de désir, se trouvent dans l’état où leurs nerfs dégagent le plus de volonté. Ils projettent leurs fluides, leur âme, leur vigueur psychique hors d’eux-mêmes. Ils essaient de jaillir hors de leurs corps pour rejoindre les formes du sexe contraire ; telles les électricités de nom diffèrent qui se projettent aux bouts des pointes afin de s’unir dans la brève joie d’une étincelle bleue.

« Nos savants estiment qu’il en est de même l’égard de ces sauvages. Leurs fluides volontaires jaillissent des pointes de leurs corps, mains, jambes, bouches, pour tenter de se joindre et de se confondre.

« Si l’hypothèse est justifiable, cette étroite avenue angulaire contient une quantité de force psychique, de fluide humain qui s’accumule invisiblement. L’on peut donc induire qu’une personne saine momentanément baignée dans ce fleuve, attirerait à elle une partie de la force statique et, neutre, se chargerait des fluides de noms contraires. Le déneutratisation, en s’opérant, occasionnerait un état tel que, pendant une seconde au moins, le baigneur se trouverait contenir le paroxysme de la vigueur psychique secrétée par ces deux cents sauvages. Imaginez un savant, pénétré de l’importance de son problème capital et qui sent très prochaine la solution. Il entre dans cette avenue. Il marche, les yeux fermés, parmi cette accumulation de fluides forts. Le jeûne, le bain, de préalables copulations, l’ont préparé de manière à ne pas être sexuellement ému. La volonté s’accroîtra donc d’une somme fluidique considérable empruntée à l’atmosphère spéciale. Elle se concentrera plus vigoureusement. Elle dépensera avec plus de puissance un effort centuplé. Il y a mille chances pour que notre penseur trouve dans ce bas-fond la résultante de son problème.

« Voyez : un plafond de verre en deux parties s’abaisse progressivement sur l’avenue. Les fluides vont être condensés par une pression de gaz récemment créés dans ce but. Comme devant les grilles l’air s’épaissit ! Le voyez-vous bleuir ? Aux extrémités des mains, des jambes, il naît de minuscules pétillements. Voici que l’on distingue les ondes psychiques. Des courants agissent par couches, en sens contraire Ah ! les chats et les jaguars commencent à geindre. Bon, tous les rires hystériques donnent… Quel charivari… Regardez comme ces pauvres brutes se collent aux barreaux. Et celle-ci qui déchire sa robe, qui pousse sa chair dans les interstices de la grille…, et son rictus ; et sa chevelure qui se