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Page:La Revue blanche, t17, 1898.djvu/303

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sorte, de ces caractères que M. Allen disait excessifs et invraisemblables, — à tort : elle en avait la preuve maintenant.

Telles étaient les conclusions auxquelles Catherine venait d’aboutir, quand, à l’extrémité du sentier, les jeunes filles rejoignirent le général. En dépit de sa vertueuse indignation, elle fut obligée de marcher près de lui, de l’écouter et même de sourire quand il souriait. Inapte désormais à prendre plaisir à nul spectacle, elle marchait d’un pas languissant. Le général s’en aperçut. Plein d’une sollicitude qui semblait un reproche à l’opinion qu’elle avait de lui, il l’engagea à rentrer à la maison avec Éléonore : il les rejoindrait dans un quart d’heure.

Comme elles s’éloignaient déjà, il rappela sa fille qui reçut l’ordre formel de ne pas commencer sans lui la visite de l’abbaye. Cette nouvelle marque du souci qu’il avait de différer le plus possible une exploration si désirée d’autre part impressionna profondément Catherine.


XXIII


Une heure s’écoula avant le retour du général. « Cette absence prolongée, ces promenades solitaires n’annonçaient pas un esprit en repos ni une conscience pure. » Il parut. Si mélancoliques qu’eussent été ses méditations, il eut la force de sourire. Mlle Tilney, qui comprenait le désir qu’avait son amie de visiter Northanger, manœuvra en conséquence. Enfin le général fut prêt à les accompagner, manquant sans doute d’un prétexte nouveau pour retarder encore l’expédition. Tout au plus sollicita-t-il, au dernier moment, un délai de cinq minutes. — le temps d’ordonner qu’on préparât des rafraîchissements pour le retour.

Ils se mirent en route. D’une allure noble, qui frappa Catherine sans ébranler ses livresques soupçons, il les mena, par le vestibule, le salon et une antichambre désaffectée, dans une pièce dont étaient magnifiques les dimensions et les meubles. C’était le salon des grands jours, celui où l’on recevait les hôtes de marque. Qu’il fût très imposant, très vaste, très beau, était tout ce que Catherine trouvait à dire. La louange en sa particularité, la louange vraiment significative fut tout entière le fait du général. Catherine, la somptuosité ou l’élégance de nulle chambre ne lui importait : elle n’avait cure d’aucun mobilier qui fût d’une époque plus moderne que le xve siècle. Le général ayant enfin satisfait sa propre curiosité à l’examen méticuleux des moindres choses, qu’il connaissait si bien, on se rendit dans la bibliothèque. Elle était par ses livres d’une opulence égale à celle du salon. Catherine écouta, admira, s’étonna plus sincèrement, et des connaissances accumulées là cueillit le plus qu’elle put, à parcourir les titres d’un demi-rayon de volumes. Le reste des appartements ne répondit pas à son désir. Et quand on lui dit que les six ou sept pièces qu’elle venait de visiter constituaient trois des côtés de