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Page:La Revue blanche, t20, 1899.djvu/21

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desque et extrêmement stéréotypé du dialecte de Nan-king. Le kouan-hoa écrit contient naturellement beaucoup d’expressions de kou-wen et nombre de particularités phraséologiques qui restent incompréhensibles à celui qui ne connaît que le kouan-hoa parlé, la « langue de conversation ».

Dans le tableau ci-dessous, qui répète six fois la même phrase, on pourra suivre le développement de l’écriture chinoise.

Cette phrase est :

shang kou hic shing
haut antiquité nouer corde


et signifie : « Dans la haute antiquité, on noua des cordes » (en guise d’écriture). — phrase très intéressante au point de vue historique.

La forme 1 ressemble beaucoup à des hiéroglyphes. Premier caractère : shang, haut, était primitivement  ·  , d’où les autres formes. Deuxième caractère : kou, antiquité, composé de « dix » (la croix) et « bouche » ; — ce qui a passé par la bouche de dix générations. Troisième caractère : hie, nouer, composé du chef de classe (à gauche) « soie » ou « tisser » et d’un phonétique qui est prononcé « hie » et signifie (séparément) « heureux ». Quatrième caractère shing, corde, composé du même chef de classe et d’un autre phonétique qui se prononce « shing » et signifie (séparément) « grenouille »
La forme 2 s’emploie encore pour les titres de livres.
La forme 3 date du iiie siècle avant notre ère.
La forme 4 est l’écriture des livres.
La forme 5 celle de la « main courante » soignée.
La forme 6 — écriture dite « d’herbe », presque sténographique, comme on voit, — est souvent employée dans la correspondance, et extrêmement difficile à lire.

Il était indispensable pour montrer ce que c’est que la littérature en Chine, de constater préalablement les faits élémentaires que je viens d’énoncer. En effet, faute de les connaître, on ne comprendrait mot à la littérature chinoise. Il n’y a pas de comparaison possible avec l’Europe. Chez nous, si l’on parle, si l’on écoute, si on lit, si l’on écrit, c’est toujours la même chose, et la lecture d’un livre moderne ne diffère au fond en rien d’une conversation avec