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Page:La Revue blanche, t20, 1899.djvu/619

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mon caractère, comme à la robe que je porte, d’avoir à dénoncer certaines manœuvres honteuses et la bassesse de certains calculs, mais, pour le bien d’une commune à laquelle vous vous intéressez, je crois de mon devoir de vous avertir. Il ne m’appartient pas de juger M. l’abbé Barigoule, que d’aucuns cependant représentent comme un prêtre sectaire, un intrigant, et un brouillon. Mais ce que je dois vous faire connaître, ce sont les dessous ténébreux de sa nomination. Vous savez qu’en commençant l’édification d’une église sous le vocable du bienheureux Saint-Trophime, M. le curé Grubillot avait compromis à ce point les finances de la fabrique de Monistrol, que l’église reste inachevée, ses fondations à peine sorties, et que la fabrique, sans un sou vaillant, plaide avec l’entrepreneur, et a déjà perdu un premier procès. C’est pour tirer la fabrique de ce mauvais pas, que l’on a songé à M. Barigoule ; M. Barigoule a en effet, — et tout le monde à Monistrol chuchote par quels moyens, — réussi à capter la confiance de la dame Berlain, la propriétaire du beau domaine des Mauminettes, chez qui descendait le baron, quand il venait à Monistrol en tournée électorale ; et alors on escompte, et l’abbé Barigoule a donné à entendre, que, s’il est nommé à la cure vacante, la dame Berlain fera don, des soixante mille francs qui sont nécessaires pour sauver la fabrique.

Je ne doute pas qu’il suffira de vous avoir signalé un pareil état de choses pour que votre haute intervention, tant auprès de M. le Préfet du département qu’auprès de M. le directeur des cultes, empêche l’agrément d’une nomination dont les effets présenteraient tous les caractères d’un scandale public. Peut-être dépendrait-il alors de votre influence que l’Administration, en opposant mon nom à celui de l’abbé Barigoule, en en faisant même au besoin une question de principes, parvînt à triompher, auprès de Monseigneur, de l’hostilité de M. le vicaire général Foing ? Mais croyez qu’en ce moment j’écarte loin de moi toute idée d’un bénéfice personnel, dans une circonstance où je n’ai en vue que la bonne renommée de l’Eglise à laquelle j’appartiens, et qui doit réprouver ces compromissions ; en vue aussi des dangers que de semblables sectaires menacent de faire courir aux institutions établies, auxquelles je m’honore de me proclamer fervemment et respectueusement attaché.

Veuillez agréer, Monsieur le député, l’hommage de votre dévoué serviteur,

Jolly, curé


Monsieur Jambey du Carnage, Préfet, La Marche.

Ci-joint une lettre que je reçois au sujet de la cure de Monistrol. Qu’est-ce que c’est que toute cette histoire ? Et qu’est ce que ce curé qui m’écrit ? Il m’a tout l’air d’un garçon assez débrouillard, mais je me défie des prêtres si malins, et surtout si dévoués : les abbés sont dévoués quand ils veulent être curés, les curés