Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/46

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(anciens blanquistes : Vaillant), Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire (Allemane), Fédération des Travailleurs Socialistes (Brousse), Confédération des Socialistes indépendants (Jaurès, Viviani), — avait adopté un procédé électoral extrêmement contestable et même absurde. Mais du moins, instruit par l’expérience du passé, avait-on évité l’intrusion soit des purs anarchistes, soit des radicaux, soit des anciens boulangistes, nationalistes d’aujourd’hui. Ce fut une première unité, l’unité de composition. J’irais jusqu’à croire que c’était peut-être la plus difficile, et certainement la plus importante, à réaliser.

Il y avait une seconde raison d’union : c’est que tout le monde était ou voulait se dire partisan de l’union. Nous avons même assisté sur ce point, et parfois d’une manière bien imprévue, à une véritable surenchère de bonne volonté. Tout le monde admettait la nécessité d’un Congrès annuel, d’une commission permanente. Personne, en revanche, ne voulait pousser l’unité jusqu’au point où elle absorberait et ferait disparaître dans le parti centralisé les organisations autonomes. On était d’accord sur les principes, on était d’accord sur la limite. Les guesdistes ont manifesté autrefois, vis-à-vis des coopératives ou même des syndicats, une réserve presque défiante. Aucune contestation ne s’est plus élevée pourtant sur leur droit d’être représentés dans la direction future du parti unifié. L’idée même des fédérations départementales, idée grave, à peine étudiée par certaines organisations, introduite un peu par surprise dans les débats du Congrès, a rallié un assentiment unanime.

De longues discussions se sont élevées sur l’organisation de ce Comité Directeur, sur son mode d’élection. La véritable question était évidemment de savoir quelle organisation, quelle tendance y aurait la majorité. Elle s’est posée, à de certains moments, avec une âpreté singulière, entre Guesdistes et Blanquistes coalisés et les trois autres organisations. Mais considérons les résultats. Ici encore, une unanimité s’est rencontrée. Elle s’est trouvée acquise à un système modéré, grâce auquel la majorité ne se trouvera liée à aucun groupe, à aucun système, mais se trouvera probablement déplacée, d’une année à l’autre, par les fédérations nouvellement constituées, — restant ainsi une image toujours vivace, toujours récente et sincère de la France Socialiste.

D’autre part, le Congrès a eu cette bonne fortune de se réunir au moment où deux des questions qui l’auraient le plus gravement divisé se trouvaient pour ainsi dire démodées ou superflues. La question de la Grève Générale aurait pu séparer M. Vaillant et M. Guesde si des actes trop graves ne les avaient liés dans une attitude solidaire. Mais si le monde admettait la grève générale comme un moyen de résistance ou comme un acte révolutionnaire théorique, nul ne songeait à l’envisager comme un fait probable ou prochain. Enfin, bien que l’affaire Dreyfus fût portée, sous une forme peu dissimulée, à l’ordre du jour même du Congrès, elle a été, d’un commun accord, abandonnée. Elle pouvait donner matière à des récriminations ou à des