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Fleurs de Lassitude[1]


ÂMES ERRANTES


Étoiles filantes.
Âmes errantes
Qui se rencontrent un instant
Et qui savent seulement
Que la route est longue et dure.

Longue et dure
Nuit obscure
Où nous allons à tâtons
Sans conseils et sans bâtons
Quand donc verrons-nous la fin ?

Verrons la fin,
Qui sait ? demain ?
Terre d’exil nous couvrira
Personne ne nous pleurera —
Pauvres âmes errantes !




ÉTOILE MYSTÉRIEUSE


Au loin mon songe m’a emportée
Parmi les étoiles de la voie lactée
Et là dans un petit astre bleuté
J’ai vu toutes les choses qui n’ont jamais été.

Ce n’est pas le royaume du peut-être,
Mais celui plus triste de ce qui ne put être.
J’y ai vu le cortège des gloires jamais atteintes
Et la vague théorie des amours non étreintes.

Chacun de nous y trouverait un peu de soi,
Chacun y entendrait murmurer les voix
De maintes choses mortes avant d’être nées,
De douces chimères, de lointaines pensées.

Tout ce qui fut désiré et ce qui jamais ne se fit.
Tout espoir poursuivi et jamais accompli,
Toutes les âmes errantes de nos amours inexaucées
Dans cette lointaine étoile se sont enfin fixées.

  1. Elles sont le début, dans notre littérature, d’une Allemande, actuellement ambassadrice, qui a passé trois ans à Pékin, d’où elle date quelques-uns de ces vers.