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L’Article 7

L’article 7 est oublié ; mais il fut célèbre. En 1880, Paris suivit avec une anxiété passionnée les accidents de la lutte ardente qu’il souleva. Voté par la Chambre, il échoua au Sénat, le 9 mars, après un long débat, violent et douteux. J’ai guetté dans la rue, une heure durant, le journal du soir qui devait apporter le vote, et je me rappelle encore, devant les éventaires des marchandes, l’attente des groupes fiévreux…. Bien peu de nous, j’imagine, ont retenu l’esprit ou les termes de ce texte jadis fameux ; mais à ces mots « l’article 7 » une force reste encore attachée. Ferry lui dut, pendant cinq ans, le crédit confiant des uns, la reconnaissance des autres. Et, par exemple, mon mépris pour Jules Simon, aujourd’hui réfléchi et solide, date pourtant de ce soir-là… Je retracerai brièvement cette histoire déjà trouble.

L’article 7 faisait partie d’un projet de loi relatif à la liberté de l’enseignement supérieur, présenté à la Chambre, au nom de M. Jules Grévy, président de la République française, par M. Jules Ferry, ministre de l’instruction publique, dans la séance du 15 mars 1879.

Il était rédigé de la manière suivante :

« Nul n’est admis à participer à l’enseignement public ou libre, ni à diriger un établissement d’enseignement de quelque ordre que ce soit, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée[1]. »

On comprend malaisément pourquoi ce texte avait été inséré dans un projet de loi relatif à l’enseignement supérieur. Il s’appliquait, en effet, de par ses termes mêmes, à tous les ordres d’enseignement quels qu’ils fussent ; et, en réalité, il visait et ne pouvait viser que l’enseignement secondaire. « La récente statistique de l’enseignement secondaire, disait M. Jules Ferry dans son exposé des motifs, a pu décrire les grandeurs croissantes de la plus célèbre et de la plus prohibée des congrégations non reconnues, de la Société de Jésus… » Ajoutons que l’enseignement supérieur ecclésiastique cessait de devenir dangereux et que les puissantes congrégations qui pratiquent l’enseignement primaire sont autorisées. Avec l’article 7, comme avec le récent projet de M. Leygues, c’est donc bien la question de l’enseignement secondaire qui se posait devant le Parlement.

Dans ce projet de loi, fort intéressant cependant puisqu’il retirait

  1. Le texte en fut modifié par la Commission de la Chambre qui adopta définitivement la rédaction suivante, équivalente mais améliorée : « Nul n’est admis à diriger un établissement public ou privé, de quelque ordre que ce soit, ni à y donner l’enseignement, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée. »