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Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/177

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dans nos classes et nos devoirs sur des auteurs contemporains tels que Taine, Renan, Tolstoy, Maupassant, Zola, Loti et d’Annunzio. Nos professeurs de philosophie seuls furent, dans leur suffisance et dans leur ignorance, de déprimants autocrates. Nos professeurs de sciences ne pensèrent jamais à nous faire goûter la beauté de vie de l’histoire naturelle et de la chimie.

III. L’État doit avoir le monopole. Évidemment, les lycées sont trop imparfaits, mais c’est la nécessité des périodes de transition, et ils restent infiniment supérieurs aux maisons religieuses. Et ce qu’il y a d’imparfait en eux, c’est ce qui y subsiste d’ancien régime : personnel autoritaire, professeurs en majorité cléricaux, enseignement classiciste funeste et illogique, en ce qu’on ne doit pas écraser de l’étude absorbante du passé un âge dont toutes les forces naturelles tendent instinctivement vers l’avenir.

IV. L’usage qu’on fait du mot « liberté » dans cette question est celui du mot « républicain », voire « socialiste » dans les élections. Il devrait y avoir des poursuites contre les faux politiques comme contre les autres. D’autre part, l’enfant n’a pas de libre arbitre : parler de « liberté », c’est seulement accorder aux parents, c’est-à-dire à des générations passées, le droit de limiter à leur idéal périmé les consciences des générations nouvelles. La plus ferme de nos convictions est qu’il faut actuellement supprimer la liberté de l’enseignement telle que l’entendent les nationalistes. Le péril clérical, immense, reste le plus grand ; et la première chose qu’on doive préserver, c’est l’avenir : l’enfance. Ce n’est même pas une question de liberté, mais de licence, puisque l’enseignement dit libre est nul, négatif. Quelques mesures de salubrité publique s’imposent dans le plus bref délai, notamment la fermeture de toutes les maisons religieuses d’enseignement aussi bien pour filles que pour garçons. Mais en certains endroits, l’on continue à ralentir la laïcisation par de véritables violations de décrets.

C’est, en somme, accorder grande influence à l’éducation, ce qui semble contredire nos deux premières réponses. Voilà : peut-être, n’est ce pas, en un certain sens, les hommes de lettres qu’il eût fallu interroger. Toujours, de leur nature, ils ont porté en eux une vertu de rébellion qui les sauva de toute éducation restrictive et les aide à flairer la voie de leur individualité. Il semble que vous eussiez dû interroger des humains de caractère et de métier moins personnels, des êtres qui n’eurent pas assez de tempérament natif pour échapper aux influences imposées par les parents, ceux qu’un rien eût déterminés dans un sens contraire. C’est la majorité ; c’est à propos d’eux qu’il faut méditer l’importance de l’éducation.

De M. Maurice Le Blond :

Je fus d’abord mis interne au lycée de Versailles. C’est un régime quelque peu abrutissant. Je subis avec douleur une discipline trop dure pour ma sensibilité enfantine. Mes professeurs me crurent idiot par ce que je me renfermais en moi-même, et que mon besoin d’expan-