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Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/186

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qui proteste et fait bien ; qu’on recommence ou qu’on me rende quelques longueurs !… L’autre ne veut rien savoir, il crie au scandale, à la persécution !… il invoque la liberté !… Liberté de continuer, bien entendu, et un peu, liberté d’empêcher l’autre de partir.

Au fond le mieux serait que chacun puisse élever ses enfants à sa guise ; s’il n’existait rien, que tout soit à créer, on pourrait arranger les choses ; mais il y a tout un vieux passé et tant d’habitudes, d’usages, de droits prétendus !… Et puis nous sommes en temps de guerre ; il faut d’abord triompher, ensuite… ensuite on verra.

Je suis hostile à l’enseignement religieux, violemment… Mais l’autre est encore si médiocre !

De M. Émile Zola :

M. Zola parle d’abondance, avec parfois des arrêts où scrupuleusement il cherche le mot qui traduira le plus fidèlement et le plus fortement sa pensée.

« J’ai été élevé au collège municipal d’Aix en Provence, puis au lycée Saint-Louis, à Paris,

« J’ai perdu mon père, alors que j’étais encore un tout jeune enfant et comme ma mère était, vis-à-vis de moi, très faible et très bonne, je me suis développé librement. À sept ou huit ans, je ne savais pas encore lire. Je puis dire que je me suis formé seul et je pense que c’est là le meilleur système ; je ne crois pas à l’éducation.

« Quant à la liberté de l’enseignement, c’est une très grosse question et j’hésite à vous donner verbalement mon opinion, car il y faudrait un volume. Je suis d’ailleurs en train d’exprimer là-dessus toute ma pensée, dans le troisième livre de mes « Quatre Évangiles », qui s’appellera : Vérité.

« En principe, et c’est le philosophe qui parle, je suis pour l’absolue liberté et je suis si respectueux de cette liberté que je serais à ce point de vue-là un peu anarchiste, mais cette question est si vaste, si complexe, qu’il est aisé de se contredire. Ainsi, comme homme social, je dois bien reconnaître qu’il y a un devoir pressant d’instruire, d’élever les masses et c’est ce que je dis dans mon livre.

« Je prends un exemple dans l’affaire Dreyfus. Au début, j’avais la plus grande confiance en cette France si noble, si généreuse et j’avais la certitude qu’elle serait avec nous. Je me suis trompé. Pourquoi ? Parce que la France ne savait pas. Et j’arrive à cette conclusion que les meilleures impulsions ne suffisent pas à un peuple et que, pour qu’il soit susceptible de justice, de vérité, il faut qu’il ne soit pas ignorant, il faut qu’il sache. Et c’est là en effet l’œuvre de toute une éducation.

« Comme homme social aussi, j’estime qu’il faut supprimer absolument l’enseignement religieux. Que les parents élèvent, s’ils le veulent, leurs enfants chez eux, qu’ils leur donnent des précepteurs, qu’ils leur impriment la direction intellectuelle qu’ils voudront, soit, et je suis d’ailleurs, à ce sujet, bien tranquille, — la vie se chargera bien, par elle-même, de redresser les erreurs d’éducation, de direction ; mais il est