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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/431

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élémentaire de la plupart des substances naturelles, c’est seulement par expérience que nous pouvons savoir si telle ou telle substance est un aliment pour telle ou telle espèce. Le moût de bière et le moût de raisin sont des aliments pour la levure de bière, mais le liquide Pasteur suffit à nourrir la même levure quoiqu’il ne contienne que quelques-uns des éléments constitutifs de ces deux moûts complexes. Le problème que l’on se pose en général lorsque l’on veut élever une espèce vivante, est de connaître les substances indispensables à sa nutrition et ici le mot aliment va changer de sens.

Nous disions que le liquide Raulin est un aliment pour l’aspergillus niger ; si nous supprimons, de ce liquide, certains éléments, l’oxygène par exemple, l’aspergillus n’y pousse plus. C’est donc que l’oxygène est indispensable à la nutrition de l’aspergillus ; en d’autres termes, sans oxygène, il n’y a pas d’aliment pour cette espèce de moisissure. Cette constatation amène à donner au mot aliment un sens plus large ; on dira que le liquide Raulin est un aliment complet pour l’aspergillus niger, mais que chacun des éléments constitutifs de ce liquide est un aliment pour le même végétal, quoique aucun d’eux, pris séparément, ne puisse assurer sa nutrition. Le langage devient ainsi moins précis, mais c’est le langage courant. On dit qu’une substance est alimentaire pour une espèce vivante quand l’espèce considérée peut utiliser pour sa nutrition tout ou partie de cette substance, autrement dit, quand cette substance peut être utilisée dans la confection d’un aliment complet pour cette espèce. Et c’est ainsi que des substances complexes, comme le pain, peuvent être alimentaires pour des espèces vivantes très différentes qui y puisent des éléments différents.

Il est évident qu’une substance ne peut être un aliment complet pour une espèce si elle ne contient en elle-même tous les éléments constitutifs de cette espèce ; une substance grasse, par exemple, qui ne contient pas d’azote, ne pourra suffire à la fabrication d’une substance vivante azotée, mais tel être vivant pourra s’assimiler le carbone et l’hydrogène d’une graisse en empruntant en même temps de l’azote à tel composé ammoniacal, etc… Il ne faut pas croire, non plus, qu’une matière quelconque contenant des éléments qui entrent dans la composition d’une espèce donnée peut forcément servir d’aliment à cette espèce ; l’alcool, formé de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, ne peut servir d’aliment à la levure de bière qui contient cependant du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène.

La nutrition est un phénomène chimique et les corps compo-