Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/567

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que vivre. Parmi ceux qui vivent, quelques-uns se reproduisent, c’est-à-dire donnent naissance à d’autres êtres qui leur ressemblent ; mais il y a des variations dans les types de ces êtres. Tout cela est d’observation courante et nous pouvons le raconter avec certitude, quitte à nous proposer d’étudier plus tard en langage plus précis, par l’analyse des activités cellulaires élémentaires, les phénomènes d’ensemble qui se passent chez les êtres les plus élevés en organisation.

Parmi les êtres vivants qui sont rassemblés à un moment donné en un lieu donné, les uns meurent, les autres survivent et se reproduisent ; parmi ceux qui ont survécu ou sont nés en ce lieu, quelques-uns meurent encore pendant que d’autres survivent et se reproduisent, et ainsi de suite, et cela n’a rien d’étonnant à cause des différences qui existent entre ces divers êtres ; ils se comportent différemment parce qu’il sont différents et les conditions qui font que les uns vivent et que les autres meurent sont tellement complexes que nul ne pourrait se proposer de les analyser dans leur, ensemble. Darwin a tranché la difficulté en imaginant un langage global duquel toute hypothèse est bannie.

Voici, dans des conditions données, un certain nombre d’êtres vivants ; au bout de quelque temps, quelques-uns sont morts, d’autres ont survécu. Ceux qui ont survécu étaient, dirons-nous avec Darwin, plus aptes à survivre dans les conditions considérées. Mais comment définirez-vous leur aptitude ? Par l’observation du résultat ; après coup ; comme cela nous serons sûrs de ne pas nous tromper. — Mais alors vous n’aurez rien démontré du tout ! — Précisément ; nous n’aurons rien démontré, nous n’aurons fait aucune hypothèse, mais nous aurons raconté les fait sans les dénaturer. Nous nous serons bornés à affirmer que ceux qui sont morts sont morts et que ceux qui ont survécu ont survécu ; mais nous pouvons appeler les derniers les plus aptes dans les conditions considérées et définir « sélection naturelle » l’ensemble des causes qui ont fait disparaître les premiers ; nous aurons ainsi créé un langage synthétique commode, un langage global ; au fond, nous dirons seulement dans ce langage que « les choses sont comme elles sont et non autrement », mais j’espère montrer dans un ouvrage prochain quels merveilleux résultats on peut tirer de la langue darwinienne quand on étudie l’origine des espèces. Le principe ( ?) de la sélection naturelle n’est que l’expression d’une vérité évidente ; ce n’est qu’un langage particulier, mais les mathématiques aussi ne sont qu’une langue spéciale et je ne crois pas que personne mette en doute les immenses services qu’elles ont rendus…