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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/572

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La maturation sexuelle suspend le mouvement karyokinétique et l’empêche de se terminer ; autrement dit, elle arrête à un stade intermédiaire, un phénomène qui en dehors d’elle se serait terminé par une division cellulaire : cela est très important puisque cela nous permet d’étudier à l'état statique l’une des phases d’un mouvement complexe ; voilà une excellente condition d’observation. Bien plus, il y a deux types d’éléments sexuels, tous deux arrêtés à un stade intermédiaire et ces deux types sont complémentaires ; fondus l’un avec l’autre, ils continuent et terminent le phénomène suspendu. Cette remarque nous conduira à une hypothèse permettant de concevoir quelque chose du mécanisme de l’assimilation, savoir, l’existence de deux éléments antagonistes dans la substance vivante ; toute molécule de substance vivante est en réalité un système complexe ayant deux pôles, comme une pile électrique, le pôle mâle et le pôle femelle. Tant que les deux pôles coexistent dans la même cellule, il y a assimilation ; quand, par suite de la maturation, tous les pôles mâles sont localisés dans un élément, tous les pôles femelles dans un autre élément, l’assimilation est suspendue dans les deux éléments ; leur fusion donne de nouveau un élément complet.

Ainsi donc, il y aurait deux sexes dans la substance d’une bactérie, d’un grain de levure, quoique chez ces deux espèces, nous ne constations jamais la formation de ce que nous sommes habitués à considérer comme des éléments mâles et femelles ! Ainsi, l’assimilation dont nous ne connaissions que le résultat global serait un phénomène bipolaire ! Évidemment ce n’est là qu’une hypothèse, mais c’est une hypothèse à laquelle nous serons conduits par des déductions logiques et qui nous permettra de raconter les phénomènes d’une manière féconde. Elle nous permettra surtout d’instituer des expériences qui, directement ou indirectement, nous démontreront qu’elle est fondée et nous conduiront, si elle ne l’est pas, à une autre hypothèse meilleure…

Le but de ce livre auquel j’ai déjà fait allusion [1], où j’ai accumulé surtout des raisonnements et où je me suis efforcé de raconter dans un langage clair les plus généraux des faits accumulés par les observateurs, le but de ce livre, dis-je, est d’amener à concevoir des expériences auxquelles on saura ce qu’on demande

  1. Traité de Biologie, par Félix Le Dantec. (À paraître le 15 mai 1903, chez Félix Alcan).