Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/587

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nement use la machine humaine, alors que, certainement, c’est le contraire qui a lieu ! Et c’est ainsi que Claude Bernard a été conduit à exprimer ce paradoxe qui cache une erreur dangereuse : « la vie c’est la mort ! » Récemment encore la comparaison entre l’homme et une machine thermique a conduit des savants à confondre l’alimentation de l’homme avec l’alimentation d’une automobile et à mesurer à son coefficient thermogène la valeur alimentaire d’une substance donnée.

Un dernier exemple : Il y a deux sexes dans la plupart des espèces animales et il n’y a que deux sexes chez les animaux supérieurs et chez l’homme. Chez ces derniers êtres, c’est toujours la femelle, qui fournit le gros élément génital appelé ovule, tandis que le mâle fournit un élément extrêmement petit, le spermatozoïde. Dans des espèces plus éloignées de nous, comme les puces d’eau et les pucerons, il y a, outre ces deux sexes, un troisième type d’individus appelés parthénogénétiques et qui ont la propriété de se multiplier, de se reproduire par eux-mêmes, sans le secours d’un conjoint. Ils n’ont donc pas de sexe et se multiplient par génération agame, comme les champignons ; mais par suite de je ne sais quelle idée préconçue, insoutenable, à mon avis, dans l’état actuel de la Biologie, on considère les mâles dans la génération sexuelle normale comme apportant dans l’acte de la génération un élément moins important que la femelle, de sorte que l’on donne le nom de femelle aux individus qui se reproduisent seuls ; on compare ces êtres à des vierges qui enfantent sans fécondation, (parthénogénese, de παρθένος vierge). C’est là une erreur volontaire et qui se trouve partout : j’essaierai de montrer combien cette erreur a été funeste et combien elle s’oppose à la compréhension de la question de la détermination du sexe chez les jeunes individus ; mais je n’espère pas pour cela, amener les auteurs à abandonner une manière de parler à laquelle ils sont habitués.

Débarrassée de toutes ces causes d’erreur, la Biologie est une science difficile ; aussi beaucoup de gens qui veulent avoir le droit de discuter, sans se donner trop de mal, la valeur des théories sur la vie, ne se résoudront-ils pas facilement à abandonner les vieilles manières de parler ; cela leur permettra d’ailleurs un facile triomphe sur l’ « abject matérialisme » qui nécessite un effort constant et une tension incessante et qui, pour ces raisons mêmes, ne sera pas facilement adopté par la majorité. Le grand