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Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/26

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prose à l’époque primitive qui vit naître les plus belles et les plus captivantes des sagas, et qu’elle n’est pas postérieure au milieu du xiiie siècle.

Une question non moins intéressante est celle qui concerne l’origine des trente-cinq strophes disséminées dans le récit. L’auteur de la saga les a-t-il composées lui-même ou bien les a-t-il empruntées à la tradition, comme les autres parties de l’histoire ?

Chez tous les peuples, les premières productions littéraires furent des récits poétiques. Constatation étrange au premier abord pour quiconque ne se rend pas nettement compte de la manière dont s’est manifestée partout la vie intellectuelle primitive. Cependant cette particularité s’explique aisément. À une époque où l’usage de l’écriture était inconnu, on ne possédait, pour perpétuer les œuvres littéraires, d’autre moyen que la récitation dans les assemblées publiques. Ces poésies devaient s’apprendre par cœur pour être chantées de mémoire. On cite tel scalde islandais qui connaissait par cœur deux cent cinquante longs poèmes, outre un nombre considérable de petits poèmes et de sagas[1]. Or, la mesure rythmique venait puissamment en aide à la mémoire et ce n’est que sous la forme versifiée que fut possible la transmission orale d’histoires de longue haleine à travers toute une lignée de générations. Il en a été ainsi des sagas primitives, surtout des sagas à caractère mythologique ou héroïque. Beaucoup d’entre elles offrent cette

  1. L’œuvre des scaldes présente, sous ce rapport et sous d’autres, des affinités étroites avec celle des filid irlandais. À ce sujet, on lira avec intérêt les articles de M. L. Duvau, directeur adj. à l’École des Hautes Études, sur les poètes de cour irlandais et scandinaves (Revue celtique, t. XVII, 1896) et sur la formation de la mythologie scandinave (Journal des Savants, nov. 1899).